Carême-Pâques-Pentecôte 2024

 Homélie de Mgr Laurent Le Boulc’h, archevêque de Lille,
Mardi 26 mars 2024, en la cathédrale Notre-Dame de la Treille, Messe chrismale

Is 61, 1-3.6-9 ; Ps 88 ; Ap 1, 4-8 ; Lc 4, 16-22

 

Frères et sœurs, la messe chrismale que nous célébrons ce soir dans la cathédrale Notre Dame de la Treille nous donne d’admirer la beauté du mystère de l’Église.
    En cette semaine sainte, dans tous les diocèses du monde, la messe chrismale rassemble les prêtres, les diacres, les consacrés et les fidèles autour de leurs évêques. Elle les rassemble dans des pays où les chrétiens sont une foule immense, là aussi où ils ne sont qu’une poignée. Elle le fait en plein jour quand l’Église a pignon sur rue, ou dans la nuit quand l’Église est tout juste tolérée, voire persécutée.
    Frères et sœurs, ce soir, nous nous émerveillons devant l’extraordinaire capacité spirituelle de l’Église catholique à rassembler des hommes et des femmes, si divers dans la fraternité du Christ.
Ainsi, sommes-nous ce soir, dans notre cathédrale. Nous sommes venus de toutes les paroisses du diocèse. Parmi nous, il y a des catéchumènes, des néophytes et des vieux croyants, des jeunes et des adultes, des personnes aux convictions diverses. Nous nous reconnaissons comme membres d’une seule et même Église diocésaine, unis dans le même amour du Christ Jésus et dans la charité de ses disciples.
    Frères et sœurs, la messe chrismale réveille dans notre Église le don de l’unité, en communion avec toutes les Églises diocésaines unies à celle de Rome. C’est une extraordinaire communion entre les hommes et les femmes que l’Église catholique engendre dans le monde ! Cette communion dans l’Église est d’autant plus grande qu’elle n’est pas d’abord le fruit des efforts et des désirs des croyants. La communion de l’Église naît de l’amour du Christ qui relie et réconcilie en Lui les hommes divisés. Elle manifeste l’œuvre d’unité de l’Esprit de Dieu.
    Nous rendons grâce ce soir pour la beauté de la communion universelle de l’Église. Et nous nous interrogeons aussi. Ce ferment de communion fraternelle est-il destiné à demeurer enfermé dans les enceintes de nos sanctuaires, de nos aumôneries, de nos mouvements et de nos églises paroissiales ?L’extraordinaire communion de l’Église n’est-elle pas destinée à donner du fruit dans la vie du monde ?La communion de l’Église n’est-elle pas appelée à rayonner dans la vie sociale, économique, culturelle ou politique des peuples ? La communion fraternelle que nous expérimentons dans l’Église diocésaine et universelle dégage une énergie qui doit rayonner jusqu’aux périphéries du monde. L’Église communion est une Église missionnaire. La fraternité de Jésus doit se répandre dans toutes les relations familiales et sociales, car il est de la nature de l’amour de Dieu de ne pas rester replié sur lui-même mais de se donner surabondamment jusqu’au plus loin de Lui.
La communion des chrétiens se déploie quand elle devient le témoignage de l’Esprit Saint dans le monde en actualisant l’Évangile de Jésus : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ».
    Frères et sœurs, notre communion fraternelle nous porte alors ce soir à témoigner de l’Évangile dans tous nos lieux de vie. Pour vivre cela, les baptisés sont appelés à progresser dans leurs relations fraternelles et les démultiplier dans la solidarité avec tous, en commençant par les plus petits au nom de Jésus et dans l’Esprit. Ce soir, la célébration de la messe chrismale affermit notre communion diocésaine afin que cette fraternité qui nous relie en Jésus se transforme en liens de solidarité et de charité pour tous. C’est bien cela, frères et sœurs, le sens du chemin de renouvellement missionnaire que nous entreprenons ensemble. Il nous stimule dans l’accueil priant de la Parole de Dieu qui relie et envoie les disciples de Jésus dans le monde. La bénédiction des huiles que nous célébrons dans la messe chrismale nous relance dans cet élan.
    En bénissant l’huile des catéchumènes, l’Église se rappelle à sa vocation d’annoncer l’Évangile, accueillir et initier les nouveaux venus à la foi. Nous rendons grâce à Dieu parce qu’ils sont de plus en plus nombreux dans notre pays à demander à recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne. Les catéchumènes sont pour nous le signe de la puissance de l’Évangile du Christ capable de rejoindre toutes personnes qui espèrent un salut, leur donnant d’entrer dans une vraie expérience de liberté, de joie et de paix. De cette Bonne Nouvelle, nous sommes tous appelés à être les ambassadeurs, en témoignant de ce que l’Évangile façonne dans nos vies.
    En bénissant ce soir l’huile pour l’onction des malades, c’est aussi l’appel à prendre soin des personnes souffrantes qui retentit dans toute l’Église de Lille. Ce soir, par les huiles, les blessés de la vie se rappellent à nous comme des destinés de l’amour préférentiel du Dieu Sauveur. Je rends grâce au Seigneur avec vous pour l’engagement si généreux de tant de communautés d’Église dans le service du frère. Que la bénédiction de l’huile nous encourage à persévérer dans le témoignage de la proximité de
l’Église avec les plus pauvres.
    Ce soir, le saint chrême, cette huile parfumée pour l’onction des liturgies du baptême, de la confirmation et de l’ordination sacerdotale, va être consacré. Recevoir le saint chrême nous encourage à faire résonner dans tous les baptisés-confirmés l’appel à s’engager à la suite du Christ au service de la mission de l’Église. La consécration du saint chrême nous provoque aussi à l’espérance d’ordonner des prêtres au service de notre Église. J’ai confiance que l’appel radical à donner sa vie au Seigneur vibre toujours dans le cœur de certains jeunes. Mais, il revient à notre Église de s’en faire, sans peur, l’écho dans la sagesse de l’interpellation, de l’accompagnement et du discernement. Rendons grâce au Seigneur pour tous ceux et celles qui s’y engagent.
Chers frères et sœurs du diocèse de Lille, au commencement de la grande semaine sainte, notre prière se fait plus fervente encore. Demandons au Christ Mort et Ressuscité d’affermir notre communion et de renforcer notre désir d’annoncer son Évangile au cœur du monde.
Que la messe chrismale célébrée ce soir dans la richesse de nos diverses vocations nous donne de témoigner de la communion de l’Église qui nous envoie en mission, sacrement du salut du Christ pourle monde.
Amen

 

2- Homélie pour le 2è Dimanche de Carême, 24-25 février 2024
(Année B, Gn 22 : le sacrifice d’Isaac ; Rm 8, 31b-34 ; Mc 9, 2-10 : la transfiguration)

Cher(e)s ami(e)s,
C’est moi qui vous propose l’homélie aujourd’hui, mais je commencerai en me référant à celle qu’avait prononcée Edgar il y a dix jours pour le début du Carême. Edgar expliquait en effet que le temps du Carême, c’est un peu comme quand on met sa voiture en révision, avant le grand départ pour les vacances. Oui, ce temps devrait favoriser un examen de nous-mêmes, de la façon dont notre foi nous éclaire, pour profiter pleinement de la lumière de Pâques !
Alors, dans les textes d’aujourd’hui, je vois au moins deux éclairages fondamentaux qui pourront nous aider.
Je commencerai par la Première lecture. C’est un passage bien connu de la Genèse, où l’on voit Dieu mettre Abraham à l’épreuve : Il lui demande d’offrir son fils Isaac en holocauste, c’est-à-dire de l’offrir en sacrifice. On peut lire cette scène de deux façons différentes : la première façon, c’est de se mettre du côté d’Abraham, et donc de tenter de mesurer ce qui lui est demandé : tuer son fils unique, c’est inhumain, comment Dieu peut-il être si exigeant ? Avons-nous affaire à un Dieu méchant, vengeur, dictateur ? Et pourtant, Abraham obéit, il fait une confiance totale à son Dieu, si bien que Celui-ci, ayant éprouvé la solide détermination de cet homme, le choisira comme initiateur de l’Alliance entre Lui et son peuple.
Une deuxième façon de lire cette scène, c’est de se mettre du côté de Dieu. Et cette fois, on se rend compte qu’on n’a pas du tout affaire à un Dieu méchant et vengeur. En effet, la demande qu’Il exprime à Abraham est une « épreuve », dit le texte, un test en quelque sorte, et qui aboutit en fait à un sacrifice amoindri, puisque c’est un bélier qui va prendre la place d’Isaac. On doit en conclure, me semble-t-il, que ce Dieu qui va entreprendre une Alliance avec un peuple est un Dieu tout à fait différent des dieux païens. On sait en effet que le sacrifice était -est ? - une institution qui caractérisait à peu près toutes les religions, et on s’aperçoit ici que le Dieu qui se fait connaître à Abraham ne veut plus de ces rites inhumains et inutiles, comme si en offrant un sacrifice je me débarrassais de mes fautes, comme si je me purifiais en transférant sur la victime toutes les fautes que j’avais commises. Vous me direz que saint Paul dit ceci dans la deuxième lecture : « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous ». Est-ce à dire que Dieu a réussi à aller plus loin qu’Abraham en ne renonçant pas à la mort de Jésus ? Oui, sans doute, l’amour en Dieu est infini. Mais surtout, ce Fils mort sur la croix, selon ce que je comprends, n’efface pas magiquement nos péchés, mais, essentiellement, témoigne que ces péchés ne nous ferment pas la porte du Ciel.
Alors, dans ces conditions, cher(e)s ami(e)s, que nous apporte la scène magnifique de la transfiguration ? C’est une scène essentielle pour les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean, car depuis le début de la vie publique de Jésus, ils s’interrogent sur son identité : qui est exactement ce Jésus, pour faire tant de miracles et pour parler avec tant d’autorité ? Alors, le fait de voir Jésus entre Elie et Moïse les conforte dans l’idée qu’il est bien le messie annoncé, celui dont tout l’Ancien Testament a déjà forgé l’image. Ils vivent un moment de plénitude, au point qu’ils n’ont pas envie de descendre de la montagne. Cependant la vie doit reprendre, en réalité tout ne fait que commencer, et ce n’est qu’après la mort sur la croix qu’un centurion romain révélera toute la densité de la route qu’on peut faire avec Jésus, en disant devant la croix : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! »
Que retenir maintenant de ces deux scènes si intenses ? Je pense que pour le Carême elles nous peuvent nous apporter de la liberté et de l’énergie. De la liberté, car notre attitude pour nous préparer à Pâques ne consiste pas à appliquer des règles, à nous mortifier, à nous sacrifier pour plaire à un Dieu méchant. Un ami m’a récemment rappelé une belle homélie du pape François dans laquelle il parlait du jeûne, en disant que le jeûne comme simple privation de nourriture n’a pas de sens en soi. Je cite seulement trois de ses conseils : « Jeûnez de mots offensants, et transmettez seulement des mots doux et tendres ; jeûnez de colère et remplissez-vous de douceur et de patience ; jeûnez de soucis et ayez confiance en Dieu ». Quant à la transfiguration, ne devrait-elle pas nous inciter à repérer ce qui est lumière dans nos vies, même si celles-ci sont encombrées de nuages ? Dans la vie de notre paroisse, regardez ce qui se vit depuis deux mois avec l’accueil des jeunes migrants : quelle mobilisation, pour aider ces jeunes dans leur désir d’insertion ! Et, au plan individuel, des temps de pause, un arrêt de nos activités pour prier peuvent faire découvrir l’action de l’Esprit en nous. C’est comme ça, je pense, dans un esprit de liberté inventive et de recherche de lumière que nous avancerons sur le chemin de Pâques.
Bonne suite de Carême



1 -Frères et sœurs,

Dans notre société inquiète, en perte de sens, l’Evangile résonne comme une Parole d’espérance. L’Eglise est la fraternité que Jésus a choisie pour l’annoncer. Habité par cette conviction, je vous appelle à l’audace d’un engagement sur un chemin de renouvellement missionnaire.
Le vieil arbre fatigué qu’est devenue l’Eglise catholique chez nous doit réapprendre à devenir semence d’Evangile. Cela passe par la conversion des baptisés, tous appelés à vivre en ‘disciples-missionnaires’ du Christ. La joie de la rencontre du Ressuscité est donnée pour être partagée, et c’est ainsi que l’Eglise est vivante !
Comme j’aimerais alors que nous nous mettions tous en chemin ! Que dans nos paroisses, nos mouvements et services, nous cherchions ensemble, compagnons de nos frères et soeurs, à recevoir et témoigner du Christ mort et Ressuscité. Et que pour cela se répandent dans tout le diocèse de multiples rencontres fraternelles.
Chers frères et soeurs du diocèse, une équipe diocésaine de pilotage a construit pour vous d’heureuses propositions de rencontres pédagogiques dans des formes très diverses et adaptées à tous. Grâce à elles,
du Carême à Pentecôte, je vous appelle à cheminer dans la joie !
J’espère en chacun de vous !
Que le Seigneur vous bénisse !

+ Laurent Le Boulc’h
Archevêque de Lille

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