Je suppose que vous êtes d’accord avec moi : cet épisode de la transfiguration de Jésus devant ses disciples est un des plus beaux moments des évangiles : « Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante [...] Restant éveillés, [Pierre et ses compagnons] virent la gloire de Jésus, et les deux hommes [Moïse et Elie] à ses côtés. » Voilà donc les disciples dans la contemplation, dans un moment sublime qui les transporte au-delà de leur simple vie terrestre. Mais, plutôt d’être presque jaloux de la grâce qu’ils ont reçue, nous avons à nous demander si ce n’est pas aussi un appel pour chacun, pour chacune d’entre nous, à qui Dieu nous offre de partager Sa vie, Sa splendeur. Quelle que soit l’histoire de chacun, notre vie n’est-elle pas ponctuée de grands moments, quand par exemple un morceau de musique nous fait frissonner d’émotion, ou quand la qualité d’une rencontre familiale ou amicale nous fait dire que le temps s’arrête ? Il a toujours été difficile de définir ce que nous sommes, ce qu’est un être humain : un corps, un esprit, une âme... Saint Paul s’est beaucoup interrogé sur cette question, par rapport aux philosophes de son époque : tantôt il parle de la chair vouée à la destruction, tantôt du souffle de l’esprit qui nous fait atteindre des réalités supérieures. Dans la deuxième lecture d’aujourd’hui, il parle du Seigneur Jésus Christ, « qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, [car] nous avons notre citoyenneté dans les cieux ». Autrement dit, Dieu nous a créés certes avec une dimension physique, mais il a mis aussi en nous une sorte d’aptitude à voir et à vivre plus haut, plus grand, avec une intensité inégalée de lumière, et c’est par cette grâce que nous pouvons le rejoindre. Non pas nous égaler à lui, bien-sûr, mais lui parler, dialoguer avec lui. Personnellement, je définirais notre nature humaine comme « êtres spirituels », et sans doute le meilleur mot français serait celui de « personne ». En tout cas, voilà un niveau que l’Intelligence Artificielle, la fameuse et controversée IA, n’atteindra jamais et ne pourra jamais reproduire...
Puisque je viens d’évoquer avec l’IA une caractéristique de notre moderne, je peux en ajouter une autre : l’appel, je dirais plutôt la publicité, pour la méditation. Cette méditation est souvent associée à des pratiques physiques de style oriental comme le yoga. Les réseaux sociaux mettent en avant cette nécessité de se retirer de temps en temps de la vie trépidante qui mène beaucoup d’entre nous au surmenage. Et là encore, notre foi est concernée, et elle éclaire sans doute les choses autrement. En fait, si on revient à l’évangile d’aujourd’hui, on voit aussi Pierre dire à Jésus : « Il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes », et il exprime par-là le bien qu’il ressent et peut-être une certaine peur de redescendre dans le monde de la vie courante... J’en déduis donc qu’il convient aussi d’équilibrer notre vie de foi, savoir faire la part de l’action et de la méditation. Pour cela, il faut se donner une certaine discipline. La messe est évidemment un temps privilégié de rencontre avec le Seigneur : l’eucharistie nous permet de contempler le don que Dieu nous fait par la vie, la mort et la résurrection de Son Fils. Mais il est sans doute bon de se ménager d’autres moments, qu’on soit seul ou en groupe, pour écouter, comprendre, actualiser la Parole de Dieu et la mettre dans nos vies. L’Eglise a engrangé depuis des siècles de très belles prières, mais ce qui compte c’est aussi la prière de chacun, que l’on doit faire dans un esprit de dialogue - je veux dire pas seulement réciter, pas seulement demander, mais louer, mais écouter aussi. ! Car si dans la prière je parle à Dieu, je dois aussi être dans l’attente de ce que Dieu me dit ! Le pape François l’a écrit d’une façon très claire : « Le fait est que seul le Seigneur nous offre de nous traiter comme un ‘tu’, toujours et à jamais. Accepter son amitié est une affaire de cœur et nous constitue en tant que personnes au sens plein du terme ».
Oui, le Seigneur nous parle, nous avons à nous ménager des temps de calme, de repos, pour l’écouter. Le psaume 26 que nous avons chanté dit : « C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face ». Disons-nous aussi que le Seigneur peut se révéler, peut nous parler, en passant par un proche, notre conjoint ou notre ami. Mais ce qui nous est rappelé ici en ce temps de Carême où nous essayons faire grandir notre relation à Dieu, ce qui nous est rappelé c’est que la foi est un dialogue, une relation qui donne une dimension supplémentaire à ce que nous vivons ici-bas, et qu’il faut entretenir en équilibrant sa vie entre action et réflexion, entre partage et intériorisation, entre mission et contemplation.
11-12 janvier 2025, année C
Voilà donc depuis quelques semaines notre foi nourrie, régénérée par cette redécouverte d’un Dieu qui met tout en œuvre pour nous faire participer à Sa vie, en multipliant ses interventions et ses appels dans notre histoire. Mais le temps n’est-il pas venu de nous dire quelle place nous avons dans cette histoire, nous qui avons été baptisés à notre tour, en référence à Jésus ? Oui, je pense qu’avec cet évangile nous sommes sollicités pour passer de la contemplation à l’action : ces belles images, ces beaux moments autour de la crèche ne doivent pas rester passifs, mais puissent-ils nous amener à nous dire : « Maintenant, qu’est-ce que l’Esprit me demande ? J’ai la chance d’avoir été appelé, d’avoir pu approcher le mystère d’un Dieu qui se donne dans notre vie. Comment, dans ma modeste vie, est-ce que je vais chercher à participer davantage à cet appel, sachant que Dieu sera toujours mon conseiller ? » On ne peut pas tout faire tout seul, et bien-sûr les dons de chacun sont variés. Lutter contre les injustices, faire face au défi de l’immigration, ou tout simplement être attentif à mon voisin ou à ma voisine prise par la maladie, rester à l’écoute des enfants qui nous entourent, même s’ils nous paraissent d’une génération si différente... la liste est bien longue de ce qu’il faudrait faire pour que notre monde s’apaise et retrouve la confiance. Mais notre foi est une grâce, et l’Esprit qui nous est donné est à la fois lumière et souffle. Encore faut-il penser à s’arrêter de temps en temps, en se disant que la prière est une pause qui permet non seulement de parler à Dieu, mais aussi de l’écouter.
« Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur », nous disait Isaïe dans la première lecture. « Par le bain du baptême, Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint », comme saint Paul l’écrit à son ami Tite. Après ces beaux moments de contemplation autour de Noël, il nous est sans doute demandé – c’est du moins la proposition que je vous fais - de faire le point sur notre participation. Il ne s’agit pas de culpabiliser en se disant « est-ce que je n’en fais pas déjà assez, qu’est-ce que je pourrais faire en plus ? », mais de remettre toute notre vie dans le projet de Dieu qui sollicite notre collaboration, et d’écouter ce qu’Il cherche encore à nous dire.
Dimanche dernier les lectures proposées dans la liturgie posaient bien des questions !
Marie Maincent nous a ouvert des pistes : Merci de nous avoir transmis son homélie que nous reproduisons ici intégralement .
Chers amis,
Nous venons de l'entendre, ce dimanche met la création de l'univers et les relations entre l'homme et la femme au cœur des lectures. Si la 1ère lecture et l'Évangile sont en lien étroit, je m'attarderai davantage sur le récit de Genèse 2.
Il y est beaucoup question d'ADAM,
Vous me direz : " ADAM, oui, on connaît. "
Est-ce que c'est encore nécessaire de le présenter ?
Eh bien, ma réponse est OUI.
Pourquoi ?
Pour éviter les confusions qui mènent à des contresens qui ont parfois la vie dure !
Il existe 2 récits de création et, pour que les choses soient claires, il nous faut faire un petit pas en arrière pour resituer le 1er récit.
1. 1ère clarification :
il s'agit de ADAM, un prénom qui, en réalité, n'en est pas UN.
ADAM est mot hébreu, c'est un nom COMMUN qui vient de ADAMA qui signifie la Terre, le sol, la glaise.
L'ADAM c'est donc un HUMAIN en général, un HUMAIN tiré de la terre que "Dieu créa à son image, mâle et femelle il les créa " nous dit le 1er chapitre au v 27. On comprend que l'humain apparaît ici composé de deux versants, deux côtés, l'un masculin, l'autre féminin.
Or, en français, le mot homme est un mot piégé puisque qu'il peut être compris comme un être humain en général, mais aussi comme un être masculin.
Pour éviter la confusion, je n'emploierai donc pas le mot HOMME. Je parlerai de l'HUMAIN
1ère clarification : premier enseignement,
le féminin est créé par Dieu en même temps que le masculin.
Le féminin fait partie de la Création dès l'origine, mais à l'époque, dans une période très patriarcale, c'était une pensée plutôt originale.
Pour autant, aujourd'hui, l'argument qui sert à souligner l'infériorité de la femme parce qu'elle aurait été créée après l'homme est encore entendu mais il est faux. Cet argument avancé par des ignorants est d'autant plus malhonnête qu'il sous-entend que c'est dans le plan de Dieu.
Nous arrivons au texte d'aujourd'hui qui appelle une 2ème clarification :
Dans ce chapitre 2, Dieu change le mode de fabrication.
Ce n'est pas à partir de la terre que Dieu va faire quelque chose. Dieu part de l'ADAM, de l'HUMAIN.
Mais pas dans n'importe quelle condition.
2. 2ème clarification :
l'HUMAIN est endormi.
V 21 : " Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux et l'ADAM s'endormit. "
Dieu procède à partir de l'ADAM, l'HUMAIN, qu'il plonge dans une torpeur, un sommeil mystérieux qui serait pareil à un coma artificiel.
Dans la Bible, tous les mots sont importants. Que signifie ce sommeil ?
Il signifie que seul Dieu agit. On pourrait faire le parallèle avec le chirurgien qui opère un patient qui, lui, ne se souvient de rien au réveil.
l'ADAM, parce qu'il est mystérieusement endormi, ne participe pas à sa propre création, ni à celle de la femme. C'est Dieu qui est à la manœuvre.
L'HUMAIN sort d'une espèce d'indifférenciation. L'HUMAIN qui était d'abord unique, (Gn 1) devient pluriel, deux êtres distincts, deux personnes comme la condition indispensable pour que ces personnes entrent en relation.
2ème clarification : 2ème enseignement,
Endormi, l'ADAM n'est pour rien dans la création de la femme, ce qui signifie qu'il n'a aucun pouvoir sur la femme qui n'est son objet, sa propriété.
La différence des sexes s'établit dans une ignorance, une inconnaissance des deux moitiés comme si ce sommeil protégeait l'un et l'autre d'une surpuissance, d'une domination, d'une possession. On pense ici à la terrible actualité des femmes afghanes et iranniennes. Sans aller si loin, pensons aussi à ces féminicides tragiques dont les média nous parlent, ici en France.
Poursuivons le texte, et nous rencontrons une difficulté supplémentaire :
En effet, il y a un os dans la traduction, c'est le cas de le dire !
3. 3e clarification :
pour en finir avec la côte d'ADAM
Le document primitif de la Bible a été rédigé en hébreu qui emploie le mot tséla qui signifie d'abord le côté, le flanc.
Dans la traduction grecque qui a suivi et qu'on appelle la Septante, ce mot hébreu est traduit par pleura, un mot qui désigne toujours un côté et non pas une côte. Hélas, dans la traduction latine de la Bible -la Vulgate-, St Jérôme a traduit le mot par côte et malheureusement la majorité des Bibles actuelles ont gardé cette traduction inexacte.
Toutes les fois où ce mot est employé dans l’Écriture, il désigne toujours le côté. Exemple : le côté de l’arche de l’alliance (Ex. 25.12) ; l’autre versant de la colline (2 Sm 16.13), le second côté du tabernacle (Ex. 26.20). « tséla » désigne le côté de quelque chose.
De ce sommeil sortent deux êtres complémentaires -Isha et Ish en hébreu-, un femme et un homme appelés à marcher côte-à-côte.
Les noms Isha et Ish apparaissent lorsque l'un et l'autre se rencontrent.
l'Humain ne devient un homme et une femme qu'au moment où s'établit entre eux la relation, au moment où une parole se dit et s'échange.
3e clarification : 3e enseignement,
À partir de ce flanc, de ce côté de l'HUMAIN, Dieu va bâtir, va façonner la femme pour que l'un et l'autre fasse route ensemble. L'homme a désormais un ezer en hébreu, que la Bible traduit maladroitement par une aide qui lui soit assortie quand le mot devrait être traduit littéralement par un alter ego, un vis-à-vis, le mot aide prêtant à des clichés vexants pour la femme.
C'est en tout cas le projet de Dieu au commencement de la création comme le rappelle Jésus dans l'Évangile et il faut croire qu'à son époque, le divorce était déjà un sujet de conversation. " Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? " lui demandent les Pharisiens.
Bien sûr les Pharisiens cherchent à mettre Jésus à l’épreuve mais lui ne veut pas tomber dans le piège du permis/défendu. Il recentre la question, non pas sur la discipline, le juridique, la règle, mais sur un idéal qui unit l’homme et la femme " depuis le commencement ". Il invite à revenir au désir, au plan, au projet de Dieu. En reprenant le texte de la Genèse, Jésus ne veut pas d’abord souligner l’obligation morale qu’ont les époux de demeurer ensemble toute leur vie, mais, en redisant que l’homme et la femme ne font plus qu’un, Jésus souligne, outre la sexualité du couple qui est une richesse, une chose bonne, Jésus met en avant sa dimension spirituelle. En portant atteinte à l’unité du couple, les séparations portent atteinte à l’image de Dieu tel qu’il voudrait se faire connaître à l'humanité.
En faisant des couples ses collaborateurs directs pour le faire connaître, le représenter, même imparfaitement, somme toute Dieu accepte de courir le risque d'être déçu par nous.
Que cette Eucharistie soit l'occasion de rendre grâce à Dieu pour cette dignité qu'il reconnaît au couple et à tous les chrétiens de le représenter. Devant nos fractures, devant nos échecs, rendons-lui grâce de ne jamais se lasser de nous renouveler sa confiance.
Ainsi soit-il.
Marie Maincent,
dimanche 6 octobre 2024.