Homélies

Samedi 28 novembre

Apocalypse de saint Jean (22, 1-7)  Luc (21, 29-33)

Chers(es) amis(es), voici un petit commentaire sur le dernier texte de notre année liturgique, demain commencera le temps de l’Avent. Dans ce cours extrait de l’évangile de LUC, Jésus, nous demande d’être vigilant à notre vie, « d’être sur nos gardes », de réfléchir avant de faire un choix mais pas que.

Nous pouvons nous poser la question suivante :

Mais sommes-nous totalement libres de répondre à l’appel de Dieu ? Chaque jour, nous devons faire des choix que ce soit dans le domaine professionnel, familial, personnel.  Et, nous tombons facilement dans l’immédiateté, dans une vision quotidienne, dans la facilité, avec le désir d’avoir tout de suite un retour rapide sur investissement. Il nous faut réfléchir à comment prendre du recul, à faire attention aux soucis de la vie comme le demande Jésus.

Et il nous propose une solution simple : la prière.

La prière qui nous aide dans nos choix, la prière qui nous soulage, la prière qui partage, la prière qui remercie, la prière qui aime, la prière qui pardonne.

Alors, pendant ce temps de l’Avent qui commence demain, ne soyons pas distrait par le bonheur immédiat mais ouvrons-nous par la prière, restons éveillés, regardons au loin et veillons sur notre devenir.

Bon Avent à tous. 

Ludovic

 Méditation 27 novembre
Lc 21, 29-33

Après avoir parlé de l'approche du Règne de Dieu dans le fracas de la mer et la crainte des malheurs qui s'abattent sur le monde -une vision de fin des temps pourrait-on dire-, le passage d'aujourd'hui nous présente Jésus qui se fait jardinier. Il y "cultive" une comparaison beaucoup plus féconde, rieuse et prometteuse, pour inviter et encourager ses disciples -et nous avec eux- à rester vigilants, à être des observateurs de signes.

Jésus annonce le printemps. Pour suggérer une fin des temps, il aurait pu choisir une autre saison plus adaptée, l'automne par exemple, avec les feuilles qui roussissent et qui tombent pour finir piétinées et déchiquetées par les passants, les marcheurs et les promeneurs... ou même l'hiver avec ses rigueurs et ses replis sur soi. Jésus ne fait pas ce choix-là. Au contraire, il mentionne la montée de sève, les bourgeons sur le figuier et les autres arbres, en somme le cycle des saisons qui annonce l'ouverture au renouveau, la renaissance, l'explosion de la vie en plénitude.

J'en déduis naturellement que la fin des temps n'est pas morne et triste. Car la pointe du texte -autrement dit l'idée essentielle- prend bien une résonance eschatologique, c'est-à-dire qu'elle évoque la fin des temps, la fin du temps, une notion difficile à saisir pour les humains mortels que nous sommes. La difficulté se renforce du fait que Dieu, dans son éternité qui abolit le temps, ne connaît pas le temps. Il est hors temps tout en étant présent dans notre temps humain. Mais notre temps n'est pas identique à celui de Dieu.

Notre intelligence humaine peut s'épuiser à comprendre... heureusement, la nature est bonne pédagogue et Jésus aussi. Il nous encourage à chercher les signes, à ouvrir les yeux. Il faut noter que Jésus emploie deux verbes différents : voir et regarder. Voir est une activité instinctive : "Voyez le figuier " alors que regarder sous-entend une activité volontaire, ce qui est dit dans la traduction "Vous savez de vous-mêmes à les voir... ". Somme toute, Jésus attend, de notre part, un travail de recherche de la volonté de Dieu afin de mieux y correspondre ; un travail spirituel pour se laisser transformer par les valeurs et les attitudes de Jésus. Il s'agit de chercher des signes, non pas cosmiques, mais des mouvements intérieurs. Voilà ce que l'on appelle le discernement qui permet de distinguer le signe qui a de la valeur du signe éphémère qui passe.

Cette sortie du temps humain s'ouvre sur le printemps de la vie éternelle. Ces derniers avertissements de Jésus nous trouveront-ils dans une attente craintive et passive ou bien nous ouvriront-ils à une joyeuse anticipation active et dynamique du Règne de Dieu qui nous est promis ?

Marie Maincent.

 Méditation pour le jeudi de la 34è semaine du Temps ordinaire, année A

(Apocalypse, extraits des chapitres 18 et 19 ;
Evangile selon saint Luc, chapitre 21, versets 20 à 28)

L’année liturgique se termine, et depuis plusieurs jours ce sont des extraits des derniers prises de parole de Jésus avant son arrestation, qui sont proposés à notre méditation : la fin de l’année nous incite à réfléchir à la fin du monde, peut-être, au fond, pour nous tourner déjà vers l’Espérance d’un Sauveur, que la naissance de Jésus viendra consolider.

Il n’en reste pas moins que les paroles de Jésus en ce chapitre 21 sont dures, effrayantes : « … Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots… » Et je me dis : « Mais pourquoi Jésus parle-t-il au futur ? C’est ce qui se passe aujourd’hui même sur notre planète ! » J’ai encore en mémoire ces images « apocalyptiques » de l’eau qui dévale la Roya, dans les Alpes du sud, et qui emporte tout, animaux, maisons, routes – sans compter les dégâts engendrés par les cyclones ici et là dans le Pacifique… Nous, modestes gens du Nord et citoyens de France, nous sommes sans doute épargnés par ces calamités, mais nous savons que la pandémie n’a pas fini ses ravages, au plan sanitaire comme au plan économique !

Oui, si on met tous les verbes de ce texte au présent, on peut se dire qu’il décrit bien notre monde. Mais alors, pourquoi ce pessimisme, pourquoi cette violence ? S’agit-il d’un châtiment, d’une punition que Dieu nous inflige ? Alors non, je refuse ; ça, ce n’est pas le Dieu que j’ai découvert dans les évangiles : le Dieu que Jésus m’a fait connaître, c’est un Père, bon et miséricordieux, qui pardonne et qui guérit. Néanmoins, on n’est pas non plus du côté des « bisounours » : quand Jésus chasse les marchands du Temple (voir la fin du chapitre 19), il n’y va pas par quatre chemins ! Autrement dit, notre Dieu est un Dieu ferme, décidé ; généreux aussi : c’est Lui qui, dès la Genèse, nous a confié Sa création. Alors, à nous de savoir ce que nous en faisons ! A cet égard, l’extrait de l’Apocalypse qui nous est proposé aujourd’hui peut nous aider à illustrer toutes les déviations que les enfants de Dieu que nous sommes avons infligées à cette création : « Babylone… tes marchands étaient les magnats de la terre, et tes sortilèges égaraient toutes les nations ! » Abus de pouvoir, ruses de toutes sortes pour se servir soi-même sans considération des autres, exploitation inconsidérée des richesses de la terre (etc !), voilà ce que Dieu refuse, voilà le monde qui doit disparaître, car il n’est pas dans le projet de Dieu. Quel est le projet de Dieu ? « Heureux les invités au repas de noces de l’Agneau », nous dit encore l’Apocalypse : des noces, un repas, et l’Agneau, qui renvoie à l’éloge de la fragilité, de la place d’honneur préparée pour les plus petits. Alors, aujourd’hui il nous est demandé de choisir. L’important est-il d’abord de savoir si nous pourrons retrouver nos messes comme avant -même si c’est le rassemblement essentiel de nos communautés-, ou bien de faire le tri dans nos compromissions et de renouveler avec vigueur nos engagements pour un monde où l’Amour sera le terreau de la Création ? C’est alors nous pourrons voir « le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire ».

Patrice

Mercredi 25 novembre.
Ap 15, 1-5 et Lc 21, 12-19

Après avoir annoncé la destruction du temple de Jérusalem et de grands désordres sur la terre, Jésus prédit à ses disciples qu’ils seront persécutés. Nous savons que cela est arrivé. Pierre, André, Marc,….sont morts martyrs et ont donc été témoins  (c’est le sens du mot martyr) de leur Foi, de leur espérance et de la force de l’amour….

Donc, après Jésus, c’est le temps du témoignage, et celui de l’Esprit Saint. Car c’est de Lui que parle Jésus quand il dit qu’il donnera à ses disciples « un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer». L’histoire des 2000 ans de l’Eglise est habitée par  de nombreux martyrs de la Foi (il suffit de regarder le calendrier et de s’intéresser à la vie des saints).

Ce temps du témoignage et de l’Esprit Saint, c’est aussi le nôtre. Aujourd’hui encore des hommes et des femmes, souvent inconnus, montrent leur persévérance dans la Foi. Il me semble d’abord important de rendre hommage au Père Arthur qui vient de décéder après toute une vie de prophète pour attirer notre attention sur les plus petits de notre société, notamment les Roms qu’il allait encore visiter il y a peu, comme un bon berger veille sur ses brebis.

Pour revenir aux persécutions et aux violences, nous pouvons penser au Père Hamel ce prêtre âgé, assassiné au cours d’une messe qu’il célébrait à St Etienne du Rouvray ; il a été signe d’une fidélité totale dans son service de la relation entre Dieu et les hommes. Et à Vincent, Simone et Nadine, tués dans  la basilique ND à Nice le 29 octobre dernier ; ils ont été témoins d’une vie de prière quotidienne et donc d’une relation intime avec le Seigneur.

Et moi ? Et toi ? Nous pouvons vivre notre Foi confortablement sans persécution, ce qui ne veut pas dire sans souci ou difficulté. Alors, je témoigne de quoi ? De Qui? Comme chrétien officiel depuis que je suis diacre, j’ai déjà eu l’occasion  de dire ma Foi et mon Espérance. J’espère avoir aussi été témoin de la charité. Mais en lisant l’évangile de dimanche dernier, j’ai encore une fois repris conscience que je suis souvent le bouc qui n’agit pas au lieu d’être la brebis attentive à la misère de l’autre en qui elle voit la figure souffrante de Jésus. J’ai beau faire des efforts, je dois me débrouiller comme cela mi bouc, mi brebis. J’ai besoin d’être sauvé par le Seigneur qui devra aussi se débrouiller avec moi le jour du Jugement. J’ai confiance en Lui.

Hier, lors d’une célébration de funérailles, nous avons chanté avec Foi.

« Le Seigneur est ma lumière et mon Salut, de qui aurais-je crainte ?

Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? »

Tout est dit dans ce refrain.

Etienne.

Méditation mardi 24 novembre

Apocalypse de saint Jean (14, 14-19) , Luc (21, 1-4)

En écho à la fête du Christ Roi de ce dimanche, la liturgie nous fait méditer le début du 21e chapitre de l’évangile de saint Luc où Jésus nous parle « d’avenir proche et lointain ».

Ce lundi, le regard de Jésus vient de donner à contempler le geste de la veuve déposant deux petites pièces dans le tronc des offrandes. Emerveillement du Seigneur devant cette femme prenant sur son indigence pour louer Dieu, à travers le don fait au Temple.

 Aujourd’hui, extase des disciples, sur la beauté des pierres et ex-voto du Temple, et annonce de Jésus, dans un discours apocalyptique, de sa destruction.

Les disciples interrogent alors Jésus : « Quand et quel sera le signe ? »
Le monde que décrit alors Jésus ressemble étrangement au nôtre : guerres et  soulèvements, famines et épidémies, immigrations et coronavirus… Où est le signe du royaume de Dieu ?

Le Seigneur nous dit de tenir bon, de ne pas s’égarer, ni de désespérer. Il nous dit aussi que le temps de Dieu n’est pas le temps des hommes.

Tantôt Jésus s’explique par des événements visibles à l’échelle de notre temps et concrets comme la destruction du Temple.

Tantôt il envisage l’avenir lointain mais proche, son retour à la fin des temps et tout un cortège d’événements mystérieux dont la date reste cachée dans le secret du Père et avec des phénomènes effrayants et des grands signes venus du ciel comme décrits dans la première lecture extraite de l’apocalypse de saint Jean dans l’apocalypse de ce jour ; et dans ce cas il reprend volontiers les menaces des prophètes contre la ville infidèle, l’idée du jugement.

Tantôt enfin Jésus fait allusion aux épreuves de sa communauté, aux persécutions qui frapperont les disciples du Christ tout au long du temps de l’Eglise.

      

Ce discours est complexe car les trois perspectives sont étroitement imbriquées et parfois indissociables : derrière la destruction du Temple se profilent les signes de la fin du monde, et en toile de fond du jugement de Jérusalem où on discerne la venue du Fils de l’Homme pour juger les vivants et les morts.

Impossible de calculer ; inutile de prévoir (je crois que nous en serons que plus heureux). La première certitude est que la venue de Jésus a inauguré définitivement l'arrivée du Royaume de Dieu. Il est là, déjà parmi nous ... même si nous attendons encore son plein épanouissement. Une seconde certitude est que les consignes de Jésus, urgentes pour aujourd’hui, resteront valables jusqu’à la fin des temps : il faut espérer et ne pas s’égarer.

     

 L’avenir n’appartient qu’à Dieu, qui seul connaît les repères ultimes du temps et de l’espace. Quant à nous, nous avons le temps du jour pour le servir et l’aimer, nous avons l’espace de notre cœur pour y accueillir la parole de Dieu et l’espace du monde pour psalmodier : « Allez dire aux nations le Seigneur est roi ! Le monde, inébranlable, tient bon. Il gouverne les peuples avec droiture ».

 Danièle AMEDRO.

 

 

Homélie du 23 novembre 2020
Apocalypse de saint Jean (14, 1-3.4b-5)  ,  Luc (21, 1-4)

Le Royaume de Dieu est déjà commencé. Jésus nous en dévoile les signes. Aujourd’hui c’est celui du don de soi, dans la discrétion et l’efficacité, qu’il nous présente en exemple, par la figure d’une brave vieille dame dont il raconte l’histoire dans l’extrait d’évangile qui nous est proposé. 

Donner vraiment, c’est n’est pas prendre sur le superflu, sur ce qui ne nous est pas vraiment cher. Au contraire, donner vraiment c’est partager avec d’autres ce qui nous garantit la vie; c’est donner une partie de notre vie, une part de nous-mêmes. C’est cela que Jésus relève de précieux dans l’obole de la veuve au temple, contrairement à d’autres donateurs plus nantis. Il érige le don de cette pauvre veuve en paradigme de communion authentique et vraie. C’est une partie d’elle-même que cette pauvre femme offre. Son geste nous enseigne combien la discrétion favorise la vérité de la générosité. Il nous dévoile aussi un bel horizon de la foi : se disposer à donner une part de soi pour que le Royaume de Dieu soit rendu présent. 

Offrir ce qui ne nous engage pas a déjà nécessairement une certaine valeur, contrairement à la tentation de ne même rien faire du tout. Mais Jésus souligne qu’il y a encore un bout de chemin à effectuer pour qu’une offrande participe véritablement à la communion telle que Dieu la veut. C’est ce que fait Jésus lui-même : en donnant sa vie, il fait communier l’humanité à la plénitude de la vie de Dieu. Telle est l’originalité de sa royauté célébrée hier dans nos liturgies. 

Roi, Jésus nous entraîne à travailler à ce que le peuple immense que Dieu rassemble accède à la plénitude de la vie voulue par ce dernier. À la suite de la veuve du temple, Il nous appelle donc à travailler nous aussi en donnant véritablement une part de notre vie pour qu’avec nous, de plus nombreux frères et sœurs aient part à la communion de la vie que Dieu dispose pour tous. 

P. .Edgar AHANDA

 

22 novembre, Méditation
Mt 25, 31-46

Pour tout vous dire, en lisant l'évangile du Christ-Roi pour en proposer une méditation, si mes yeux voyaient les mots du texte, mon esprit lui, entendait une musique et des paroles qui venaient se superposer au récit de Matthieu; c'était la Chanson pour l'Auvergnat de Brassens!

J'étais jeune à l'époque mais ce texte m'a profondément marquée au point de resurgir de ma mémoire de façon inattendue aujourd'hui.

« Toi l'Auvergnat qui sans façon, m'a donné quatre bouts de bois quand, dans la vie, il faisait froid... Toi l'hôtesse qui sans façon, m'a donné quatre bouts de pain quand, dans la vie, il faisait faim... Toi l'étranger qui sans façon, d'un air malheureux m'a souri lorsque les gendarmes m'ont pris... Quand le croqu'mort t'emportera, qu'il te conduise à travers ciel, au père éternel. »

En somme, Brassens version courte et « light » de Matthieu, comme un début de commentaire de cet instant de vérité du jugement dont nous parle Matthieu ! Entre Brassens et Matthieu, la comparaison s'arrête là.

Le texte de Matthieu nous interpelle directement avec son opposition radicale entre les bénis du Père comme l'Auvergnat, et les maudits tels les gens bien intentionnés de la chanson. Dans quelle catégorie pourrions-nous  être comptés ? Un jour ou l'autre, tous nous avons su visiter un malade, donner quatre bouts de bois à celui qui avait froid, quatre bouts de pain à celle qui avait faim... Mais n'avons-nous pas aussi, un jour ou l'autre, détourné les yeux d'une détresse rencontrée.

Oserions-nous nous compter parmi « les bénis du Père » ? Mériterions-nous la condamnation radicale ?

Dans la Bible, s'agit-il de séparer l'humanité en deux catégories avec les bons et les justes d'un côté, les méchants et les pécheurs de l'autre. Matthieu compare Le Fils de l'homme à un berger qui sépare les brebis d’avec les chèvres. Les brebis se distinguent des chèvres en ce qu’elles ont accueilli les humiliés, les mal-aimés, les désespérés, les esseulés et les exilés..., un accueil, un service, que le Seigneur considère comme rendus à lui-même.

L'essentiel du texte d'aujourd'hui n'est pas le jugement dernier, celui des morts mais plutôt le jugement des vivants. En cela il a quelque chose de plus dérangeant et de plus urgent parce qu'il nous concerne toutes et tous, individuellement, ici et maintenant, dans notre vie quotidienne et concrète, jusque dans notre vivre-ensemble qui exige, justement, de ne pas être trop ensemble, confinement oblige. « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits, qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait ! » : il s'agit du lien entre toute femme, tout homme, et Jésus.

En replaçant le passage dans son contexte, on observe que ce sont les ultimes paroles de Jésus prononcées juste avant sa Passion. Elles ont donc une résonance toute spéciale. Elles prennent valeur de testament. Dimanche dernier, n'avons-nous pas compris que, pour Dieu, être juste c'était être ajusté à lui ? C'était donner à pleines mains à qui est dans le besoin, sans même en être toujours conscient. Les paroles de Jésus nous invitent à donner dès aujourd'hui, le meilleur de nous-mêmes pour le service des autres. À la veille de sa mort, il nous confie l'humanité. Que nous sachions, comme lui, faire confiance et porter sur les autres, des jugements "ajustés"

Marie Maincent

Samedi 21 novembre, 33è semaine du Temps ordinaire.

Evangile de Matthieu, chap. 12, versets 46 à 50

La scène qui est proposée à notre réflexion aujourd’hui est très brève, mais très concrète ; n’est-ce pas un épisode qui se vit assez souvent dans toutes les familles ? Il y a bien des choses à faire dans la maison : nettoyer, ranger, réparer, cuisiner… et voilà qu’un membre de la famille – cette fois, c’est le « fiston » – ne se préoccupe pas de tout cela et préfère aller discuter sur la place du village, entouré de ses copains… C’est ce qu’on vient reprocher à Jésus : « Ta mère et tes frères sont là, dehors, qui cherchent à te parler. » Et comme souvent, la réponse de Jésus « décoiffe » : « Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Le voilà alors qui désigne ses disciples comme sa vraie famille.

Je me permets d’abord insister sur le caractère très réaliste de cette scène. Formés à une lecture directement spirituelle des « textes sacrés », nous oublions parfois qu’ils partent de notre vie concrète. De Jésus, on a tellement voulu, au fil des siècles d’interprétation, en montrer le visage divin, en faire apparaître l’incarnation sacrée de Dieu, que par exemple on a écarté l’idée qu’il ait pu avoir des frères et des sœurs, comme la plupart d’entre nous. Les commentateurs se sont acharnés à expliquer que « frères », « sœurs », ça veut dire en fait « cousins », « cousines », parce que le Fils de Dieu n’aurait pu vivre, manger, dormir auprès de simples humains. Heureusement, les spécialistes d’aujourd’hui cherchent à remettre les choses à leur place, même si, il est vrai, la vérité sur le Jésus de l’histoire sera toujours difficile à établir !

De toute façon, ce qui est frappant dans les évangiles, c’est la pertinence qu’ils ont encore pour nous, aujourd’hui. Et ce que je retiens, dans cette réponse cinglante de Jésus à sa famille, c’est que nous devons toujours faire effort pour nous débarrasser d’une tentation d’enfermement, pour chercher au contraire l’ouverture. « Ma mère », « mes frères », « mes sœurs », n’est-ce pas une façon de désigner le « petit cocon » dans lequel nous cherchons bien souvent à nous enfermer ? Oh ! Il est vrai qu’il peut m’arriver de me disputer avec tel frère ou telle sœur, mais que valent ces conflits face à toute la menace du monde, que ce soit celle des « puissants » qui ne cherchent que la domination au plan international ou, plus près de moi, l’agressivité toujours possible de celui qui n’est pas comme moi, qui ne croit pas aux mêmes choses que moi, qui vient d’ailleurs et que j’ai du mal à aborder ? Dans notre société, cette façon de se rassurer en ne fréquentant que ses semblables s’appelle « communautarisme », et on sait que la question du « séparatisme » est actuellement un objet de débat politique.

On le sait, les propos de Jésus sont souvent déstabilisants - disons « stimulants » si on veut les recueillir de façon positive. Aujourd’hui, Jésus ne parle pas contre la famille, mais il nous appelle à nous ouvrir plus largement aux autres. Après tout, la différence n’est-elle pas source d’enrichissement de soi-même ? On sait qu’au plan médical, la consanguinité est source de fragilité, de faiblesse. A la dimension de notre Eglise, le pape François parle depuis longtemps d’une Eglise « en sortie », c’est-à-dire que même les disciples que nous essayons d’être et qui s’appellent entre eux « frères » ou « soeurs » ont à rayonner de leur foi au-delà même de leur paroisse, en s’intéressant tout simplement au « prochain » qui est à leur porte. Tiens : le dernier écrit de notre pape est intitulé « Fratelli tutti », « Tous frères » : vite, je vais l’acheter en « click & collect » chez mon libraire !

Patrice

Vendredi 20 novembre 2020
Ap 10, 8-11 et Luc 19, 45-48.

Jésus est à Jérusalem. Nous le voyons entrer dans le temple, qu’il appelle sa maison. Il y expulse les marchands, et demande le respect pour cet espace qui doit être un  lieu de culte et de louange ; puis il enseigne le peuple qui est suspendu à ses lèvres. Ce qui fait écho à l’extrait du livre de l’Apocalypse qui  invite Jean (et nous aussi sans doute) à prendre le livre (de la Parole) et à le dévorer.

Sur le territoire de notre paroisse, les églises rappellent aux passants que notre vie a une dimension spirituelle et que Dieu est présent dans la vie du monde. Il attend nos visites, et Il est toujours disponible pour se donner à nous.

Si les églises sont visibles dans le paysage de notre pays, l’Eglise l’est-elle encore ? Nous vivons un temps difficile. Isabelle de Gaulmyn est rédactrice en chef au journal La Croix. Dernièrement, elle est intervenue devant les responsables des congrégations religieuses de France. Elle y a parlé de notre société peu organisée pour accueillir l’imprévu de la pandémie, puisque, à ses débuts, même les scientifiques étaient perdus et n’étaient pas d’accord entre eux sur les attitudes à adopter. Elle  a qualifié cette pandémie de « sécularisée » en expliquant que le chef de l’état a consulté les intellectuels comme une source capable de traverser la crise, mais que personne n’est venu chercher la parole de l’autorité religieuse. Elle ajoute que notre institution catholique ne s’est d’ailleurs pas beaucoup posé la question de savoir comment elle pouvait aider les personnes à traverser cette crise….

A l’église St Charles, sur le livre qui permet aux visiteurs de s’exprimer, j’ai retenu 2 messages de ces derniers jours. D’abord « Merci de laisser cette belle église ouverte »…Et aussi : « Rendez–nous la sainte messe ». Comme si la messe nous était définitivement confisquée, à nous qui vivons en ville. Je plains ceux qui vivent à la campagne dans ces communes rurales où les églises ne sont plus jamais ouvertes (ou presque !) Je plains ces Chrétiens qui vivent dans des contrées reculées et sont privés des sacrements. Vivons ce jeûne de la messe en communion avec eux tous.

L’an dernier, il y a eu, à Rome, un synode sur l’Amazonie. La question posée était celle du manque de prêtres et donc de vie sacramentelle pour les croyants éloignés du monde. Une piste (pas retenue, mais pas rejetée non plus) est d’ordonner prêtres des hommes mariés. Quel tollé aux yeux des fidèles conservateurs. Soyons sérieux ! Si l’eucharistie est vitale, alors notre Eglise doit se donner les moyens d’ordonner prêtres des hommes (et des femmes ?) en nombre suffisant.

Etienne Samarcq

 

 

Mardi 17 novembre  33èmesemaine du temps ordinaire

Apocalypse Jean  3,1-6, 14-22   Luc 19,1-10


Rencontre entre deux désirs.

 « Entré dans la ville de Jéricho, Jésus la traversait ». Jésus passe, il traverse la ville ; il traverse notre vie. Il est là. Reconnu ou non, Jésus ressuscité est là aujourd’hui dans nos vies comme hier à Jéricho. Jésus est là, au moment même où nous vivons des événements joyeux ou malheureux… Jésus est là. L'évangile d'hier relatait la guérison d'un aveugle. On comprend la curiosité de la foule et celle de Zachée ! Cependant, Jésus aurait pu traverser Jéricho sans s’y arrêter. Ce qui l’arrêtera, ce sera la curiosité de Zachée. Où en sommes-nous de notre curiosité au sujet de Jésus ? Sommes-nous curieux de lui ? Croyons-nous tout savoir, tout connaître de lui ? Où en est la curiosité de notre monde au sujet de Jésus ? La question rebondit immédiatement : comment rendons-nous curieux notre monde au sujet de Jésus ? Par un témoignage de vie, en acte et en parole ???? Être curieux du Christ, rendre curieux du Christ : tâche de tout chrétien. Malgré les difficultés d’une telle mission…
Revenons à Zachée : sa petite taille, sa mauvaise réputation de « chef des collecteurs d’impôts », collaborateur des Romains, traître à la patrie. Inévitablement, on peut s’interroger : pourquoi cherchait-il à voir Jésus ? Par curiosité déplacée, par voyeurisme ? Nous n’en savons rien. Peut-être, et c’est une version plus positive, parce que Zachée est devenu insatisfait de son monde marqué par l’argent et les relations de force. Insatisfait, il pressent que Jésus peut lui apporter quelque chose de neuf. Où en sommes-nous dans notre vie ?  De nos désirs, de nos satisfactions, de nos insatisfactions ?  De quoi avons-nous besoin ? Où sont nos manques, nos failles ? Prenons le temps de nous interroger. Et osons peut-être aussi interroger ceux et celles qui nous entourent…
 Zachée « courut donc en avant » nous dit le texte. Il désire vraiment voir Jésus. Il désire. Désirons-nous voir, rencontrer Jésus ? Où est notre « sycomore » de la rencontre ? Est-ce la prière ? Des lectures ? La rencontre, l’écoute des autres ? Où sont nos lieux de rencontre avec le Seigneur ? Comment créer des lieux de rencontre avec le Seigneur ? La rencontre se réalisera parce que Jésus lèvera les yeux. C’est lui qui prend l’initiative d’aller plus loin qu’une simple entrevue : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». Jésus transforme la curiosité de Zachée en rencontre. Pas une rencontre d’une minute, en « coup de vent », mais le temps de demeurer… Remarquez que Jésus n’attend pas que Zachée change de vie pour aller chez lui ; il va chez lui, malgré la mauvaise réputation du bonhomme. Quelle belle attitude pastorale ! L’Église n’a pas à attendre que les personnes soient parfaites avant de les accueillir ou de s’inviter chez elles… Jésus transforme la curiosité de Zachée en véritable rencontre. Mieux encore ! La rencontre avec Jésus métamorphose Zachée ; elle le convertit : de voleur, il devient donateur. Quel beau résumé, quel beau raccourci de la foi authentique : une rencontre qui transforme !

Laurent Dubrulle

Lundi 16 novembre
Apocalypse Jean (1,1-4; 2,1-5a)  Luc 18,35-43

 « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Question étrange de Jésus tant la réponse du mendiant aveugle semble évidente : « Que je retrouve la vue ! » Cependant, quelle belle leçon de respect ! Ne pas présupposer la réponse de son interlocuteur ; lui permettre de prendre la parole et exprimer son besoin ; respecter sa dignité d’être libre de son désir.

En ce temps de confinement, puis lorsque nous vivrons le déconfinement, nous rencontrerons des personnes « assises au bord de la route ». Quel sera notre regard ? Passerons-nous devant sans attention ? Engagerons-nous la parole ? Respecterons-nous leur dignité ? Le défi de l’attention aux plus fragiles est national ; il est assurément aussi une question posée à chacun, chacune. La « louange de Dieu », qui ne peut se vivre actuellement dans les célébrations eucharistiques publiques, passe aussi par les relevailles des êtres humains.

Laurent Dubrulle.

Dimanche 15 novembre
livre des Proverbes (31 , 10 -13. 19-20. 30-31)
première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens (5, 1-6)
saint Matthieu (25, 14 -30)

La première lecture de ce dimanche peut  irriter certains, certaines surtout ! amuser d’autres. Une telle lecture rappelle une règle élémentaire, fondamentale : lorsque nous ouvrons et lisons la bible, il est nécessaire, indispensable, dans un premier temps, de replacer le texte biblique dans son contexte historique de rédaction. Ici, avec le livre des Proverbes, nous avons une collection de réflexions de sages d’Israël. Quelle époque ? Du 9ème au 5ème siècle avant notre ère ; 900-500 ans avant Jésus ! Sachant cela, nous pouvons accueillir, décrypter ces mots qui peuvent nous paraître maladroits comme une nouveauté : un éloge de la femme, finalement une reconnaissance, une dignité naissante de la femme dans une société israélite très masculine, très patriarcale … Avouons que cette reconnaissance n’est pas achevée de par le monde, peut-être même pas tout à fait en France...

Venons à l’évangile, sur cette histoire d’argent confié puis réclamé, histoire où tout est exagéré, à commencer par les talents dont parle Jésus. Un talent, c’est l’équivalent de 6000 pièces d’or, le salaire qu’un homme gagne toute une vie durant. Bref, Jésus veut nous dire que le maître confie beaucoup d’argent à ses serviteurs, y compris à celui à celui qui n’en a qu’un. Le maître confie cet argent. Puis il part. Une nouvelle fois, une parabole évoque une absence, une distance … A l’image peut-être de notre perception de Dieu, Dieu à la fois présent à notre vie, mais aussi distant … distance qui nous laisse libres d’être nous-mêmes, de nous trouver nous-mêmes, de nous créer nous-mêmes ...

Revenons à l’évangile. Que font les serviteurs ? Les deux premiers font fructifier cet argent ; ils doublent la mise. Le dernier ne fait rien. Si, très exactement, il creuse un trou pour y déposer l’argent … Il confie l’argent à la terre …

Nous avons entendu la suite de l’histoire : le maître revient et réclame son argent. Mais pourquoi donc le dernier serviteur a-t-il agi ainsi ? « Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n'as pas semé tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre ». « J’ai eu peur ». Le serviteur avait peur de son maître. Il n’a voulu prendre aucun risque, de peur de perdre ce qu’on lui avait confié. Rappelez-vous la réponse du maître : « Il fallait placer mon argent à la banque ; et à mon retour, je l'aurais retrouvé avec les intérêts » : l’actualité nous montre bien que même confier son argent à une banque demande un minimum de confiance ! Le troisième serviteur a eu peur ; il n’avait pas confiance ni en lui, en dans les autres, ne serait-ce le banquier ; il n’a pris aucun risque. Il n’a rien perdu … mais il n’a rien gagné.

Nous sommes renvoyés à nos vies. Plus précieux que l’argent, plus précieux que l’or, nous avons un trésor qu’est notre vie. Vivre, vraiment vivre, entreprendre, c’est prendre un risque, c’est accepter le risque. Un exemple ? Aimer. Aimer un ami, une amie, aimer un homme, une femme, vous le savez mieux que moi … c’est risquer d’être déçu, d’être abandonné, d’être blessé. Mais sans amour, la vie est bien fade … Un autre exemple ? Donner la vie : vous le savez mieux que moi qu’il y a une part de risque dans le don de la vie, dans l’éducation d’un enfant … Toute entreprise, même professionnelle, a sa part de risque ; tout engagement. Dans l’action, nous ne contrôlons pas tout et parfois nous connaissons l’échec. Mais sans action, la vie n’est pas la vie, elle n’est que l’ombre d’elle-même …

La « venue du Seigneur » pour reprendre les mots de saint Paul marquera une étape importante dans nos existences : « Seigneur, tu m’as confié la vie, voilà ce que j’en ai fait … » Certains que le Seigneur pardonnera nos manques de risque, nos manques de vie, nos manques d’envie. Il n’empêche, ce que nous ne gagnerons pas comme relations ici-bas ne se rattrapera de l’autre côté. Notre vie présente engage pour l’éternité. La vie se gagne déjà ici-bas. Vivre est passionnant, vivre est engageant … Ne perdons pas de temps …

Laurent Dubrulle
 

Méditation du samedi 14 novembre
Lc 18, 1-8

L'objectif du passage d'évangile de ce jour est suffisamment clair : d'emblée, Jésus dit cette parabole -à deux volets- pour inviter ses disciples à toujours prier sans se lasser.  

Une parabole à deux volets ? En effet, pour faire passer le message, Luc, selon son penchant naturel, présente deux modèles de prière à travers deux personnages, d'abord une femme, une veuve oppressée qui fait front à un juge injuste, et, à la suite, un homme, un collecteur d'impôts méprisé par un pharisien soi-disant irréprochable.

Le récit d'aujourd'hui nous parle de la femme et du juge. Elle est veuve, autant dire la personne la plus démunie, la plus fragilisée qui puisse se trouver à cette époque.  Pour ajouter à sa triste condition, elle subit une injustice. Le texte ne précise pas de quelle injustice il s’agit : une façon de faire référence à toute forme d’injustice.

Quant au juge, non seulement il a tout pouvoir de par sa fonction de juge, mais en plus il est malhonnête : il ne craint pas Dieu et n’a aucun égard pour ses semblables. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la cause de cette femme est bien mal engagée. Et pourtant, dans sa grande pauvreté, elle possède quelque chose de déterminant, d'essentiel : elle a pour elle deux trésors : la force du droit et la ténacité. Avec ces ressources-là, elle va l’ennuyer, elle va lui casser la tête, comme dit le texte. C’est seulement avec la conviction qu’elle est dans son droit et avec l'entêtement malgré les obstacles, que la femme arrive à ses fins. Je ne peux m'empêcher de penser à une autre femme, la Cananéenne, qui, elle aussi, se montrera persévérante et persuasive auprès de Jésus. Il accèdera finalement à sa demande : la guérison de sa fille.

Oui, le but de la parabole est clair. Ne lâchons rien ! Pourtant, dans bien des passages d'Évangile, Jésus nous invite aussi au lâcher-prise. Ne nous encourage-t-il pas à être comme les oiseaux du ciel et les lys des champs qui ne s'inquiètent de rien ? Alors, insouciance contre entêtement ? Lâcher-prise contre obstination ? Ici la parabole ne met pas en avant l'entêtement en tant que tel mais l'entêtement pour la justice. Si, excédé par l'obstination de la femme, le juge injuste lui rend finalement justice pour ne plus être importuné, combien plus encore Dieu répondra-t-il à nos cris pour la justice. Car Dieu n'est pas seulement un juge juste mais il est Justice.

Celle de Dieu, la justice du Royaume est accomplie, déjà donnée. Mais alors pourquoi demander ? Parce que le règne spirituel -celui de Dieu-, et le règne temporel -celui des hommes-, sont encore à distinguer. L'Évangile insiste sur cette tension entre l'espérance dans la Justice que Dieu s'entête à nous offrir et le combat à mener pour la justice dans le monde. Pour ainsi dire, inlassablement, Dieu cherche des complices de son propre entêtement. Il attend que nous menions le combat pour la justice du monde avec foi, avec confiance et aussi avec obstination.

Marie Maincent

 

Vendredi 13 novembre
St Jean , 2ème lettre :1a, 4-9   Luc 17, 26-37

Nous poursuivons aujourd’hui la lecture du chapitre 17 dans l’évangile de Luc. Après avoir parlé du règne de Dieu qui est au milieu de nous, Jésus évoque la venue du Fils de l’homme. « Quand le Fils de l’homme se révélera. » Parle-t-il de la fin des temps ? De la fin du monde ? De la fin d’UN monde ? Et du début d’autre chose ?  En tout cas, il compare ce moment à des situations du passé : le déluge au temps de Noé, Loth qui est transformée en statue de sel en se retournant…. Et la vie s’est poursuivie, autrement, pour l’humanité.

Nous avons tous le sentiment que nous sommes à une période importante pour notre monde. Au temps du 1er confinement, on avait même parlé du monde d’avant et du monde d’après ! Et la crise sanitaire se poursuit, doublée d’une nouvelle flambée de terrorisme. L’homme est toujours en situation précaire. Le Fils de l’homme va-t-il se révéler ?

Ce qui est sûr c’est que Jésus nous invite à ne pas regarder en arrière. Luc avait déjà cité cette recommandation de Jésus au chapitre 9, verset 62 « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière n’est pas fait pour le Royaume de Dieu » et au chapitre 12 dans la parabole du riche insensé verset 20 « Insensé, cette nuit même tu cesseras de vivre. Et alors, pour qui sera tout ce que tu as accumulé ?...Ainsi en est-il de celui qui amasse des richesses pour lui-même mais n’est pas riche aux yeux de Dieu »

Etre riche aux yeux de Dieu. Ce sont les biens terrestres qui détournent de la vie avec Dieu, nous dit Jésus. A son retour de captivité au Liban, Jean Paul Kaufmann avait bien dit cela «  En captivité, la  prière m’a sauvé. Cette proximité avec Dieu n’a jamais été aussi étroite que lorsque j’étais enfermé. La vie d’homme libre éparpille et distrait le catholique que je demeure aujourd’hui. »

Que nous sommes souvent distraits ! On s’éparpille beaucoup. Et on oublie souvent de cultiver le règne de Dieu. Le jour des attentats de Nice, une religieuse nous disait au téléphone au moment de nous dire au revoir. «  Il faut être prêt, toujours prêt ». Elle voulait dire prêt à mourir, c’est-à-dire à faire la rencontre de Dieu en plénitude. Cela est vrai, et cela va de pair avec cette devise scoute « Toujours prêt » Toujours prêt à rendre service, à être de ces serviteurs quelconques de l’évangile qui aident à rendre visible le Royaume de Dieu sur la terre.

Restons fidèles à la prière. Elle nous aide à vivre le présent en relation avec le ciel, et à nous tenir prêt à tout. Comme disait Maurice Zundel. «  On ne prie pas pour avoir, on prie pour devenir. »

Etienne Samarcq

 

Méditation pour le jeudi de la 32è semaine du Temps ordinaire, année A
(Phm 7-20 ; Lc 17, 20-25)

Novembre, mois des brumes et du soleil qui se cache : l’été est fini, où allons-nous ?...

Novembre est donc le mois où l’on pense à la mort, à ce grand mystère entourant ce qu’il pourrait y avoir « après »… La pandémie de la covid19 ne facilite pas les choses cette année : les médias ne manquent pas de nous informer quotidiennement du nombre de morts victimes de ce tragique virus, et nous sommes ainsi remis chaque jour devant la fragilité de notre condition. Alors, voici que la foi que j’ai reçue peut me réconforter, dans l’annonce qu’elle comporte de la venue du « Règne de Dieu », d’un Temps de Dieu qui abolira le temps des hommes, d’une éternité heureuse où je rejoindrai tous ceux et toutes celles que j’ai connus et dont j’ai récemment couvert la tombe de fleurs. Mais voilà qu’aujourd’hui, dans la page d’évangile, Jésus nous dit : « La venue du règne de Dieu n’est pas observable… Voici que le règne de Dieu est au milieu de vous ». 

 Donc, il ne faut pas parler du règne de Dieu au futur, mais au présent !

Au présent, vraiment ? Dans cette pandémie qui n’en finit plus, avec ces soignants débordés, avec ces commerçants contraints de fermer boutique, avec ces jeunes désorientés dans la construction de leur avenir ? Personnellement, d’une année à l’autre, j’ai fait l’expérience de deux discours extrêmes, et complètement contradictoires, sur notre condition : l’année dernière, j’ai eu l’occasion de suivre une session sur le « transhumanisme », soit, en gros, l’idée qu’avec les prodiges actuels de la science, on pourra triompher du vieillissement et de la mort ; et voici que, depuis que la covid19 s’est emparée de notre terre saccagée par l’être humain, j’entends maintenant des discours de fin du monde. Alors, oui, la réponse de Jésus aux pharisiens est une réponse de Sagesse, et je mets une majuscule à ce mot car le Fils de Dieu est bien l’incarnation de la Sagesse de Dieu : c’est le présent qui compte, c’est ce que je fais maintenant, ici-bas pour collaborer à la Création qui me fait déjà participer au règne de Dieu. C’est ce qu’a fait Jésus, tourné vers les pauvres, les exclus ; attentif aux faibles, aux petits. Jésus n’est pas passé à côté du mal et de la souffrance, c’est rappelé à la fin de la page d’aujourdhui ; mais il est venu nous retracer le chemin proposé par son Père, et ce Chemin, nous dira St Jean, c’est celui de la Vérité, c’est celui de la Vie ! Finalement, si nous cherchons encore un argument pour cette Espérance à vivre dans le présent, tournons-nous vers la lettre de Paul à Philémon : quel beau geste Paul accomplit-il en confiant son serviteur Onésime à Philémon ! Lui, Paul, dans la dernière étape de sa vie, mis en prison pour son zèle missionnaire, le voilà qu’il comprend que tout s’achève bientôt pour lui, mais que la fraternité qu’il exprime en transmettant sa confiance va bien au-delà de sa propre vie terrestre, dont le sens ne se réduit pas à sa seule personne.

Patrice

mercredi 11 novembre (Saint Martin)

Tite 3,1-7  Luc 17,11-19


Dans l’évangile d’aujourd’hui, nous voilà interpelés à ajuster notre acte de foi. Que demandent les lépreux venus à la rencontre de Jésus ? « Jésus, maître, prends pitié de nous ! » Ils interpellent Jésus par son nom : « Jeshouah » en hébreu, c’est-à-dire « Dieu sauve ». Ils pressentent que Jésus peut les sauver… Jésus les renvoie aux prêtres juifs qui, seuls, selon la Loi de Moïse, peuvent reconnaître une guérison et réintégrer l’homme impur dans la communauté. Le récit se poursuit : « en cours de route, ils furent purifiés » : ils sont guéris, libérés de leur maladie, bientôt libérés du rejet de la communauté. Ils sont guéris … Sont-ils pour autant sauvés ????


 
En voyant le lépreux samaritain revenir à lui, Jésus s’interroge :
« Les neuf autres, où sont-ils ? » L’homme « se jeta face contre terre aux pieds de Jésus ». Dans le monde juif, on ne se prosterne que devant Dieu ! L’homme reconnaît en Jésus la présence divine… « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».

 

Les dix ont été guéris, purifiés. Ont-ils été pour autant sauvés ? Ou pour le dire autrement, sont-ils entrés dans une vie de salut ? Comprenons, une vie de relation avec Dieu, une vie pleine de vie, de ressource car reliée à Dieu, à sa Parole, à son Esprit rendus visibles à travers le geste de Jésus ? Jésus, Jeshouah, Dieu sauve.

 

Les dix lépreux ont été bénéficiaires de la puissance de vie, de guérison que pouvait transmettre Jésus. Mais seul le lépreux samaritain entre pleinement, par son retour vers Jésus, dans une vie de foi qui lui ouvre un horizon qui dépasse la seule guérison du moment…

 

En écrivant cela, je songe à beaucoup de célébrations que je préside. Les enfants baptisés, dans une vie que Dieu promet ; les jeunes mariés entendant la bénédiction de Dieu ; les familles en deuil apaisées par la Parole de Dieu ; nous-mêmes ... Tous, nous bénéficions du don initial de Dieu. Mais combien, à l’instar du lépreux samaritain, vivent une vie de foi, une vie de relation avec le Seigneur, une vie « sauvée » dès aujourd’hui car inspirée, soutenus par l’Esprit Saint ?

  

« Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce » :  comme le lépreux, sans nous jeter à terre, nous rendons grâce au Seigneur… Nous nous ressourcerons à la source du salut, à la source de la vie!

P. L.Dubrulle

 

mardi 10 novembre (32ème semaine)  

Tite(2,1-8. 11-14)  Luc (17,7-10)

 

Il est heureux que la ‘nouvelle’ traduction liturgique n’utilise plus le mot « d’inutiles » lorsque Jésus qualifie les serviteurs que nous sommes. « Simples » serviteurs sommes-nous ; « quelconques » trouvons-nous dans d’autres traductions … J’aime à rappeler que pour la bonne tenue du repas (et du champ, et des bêtes), le serviteur de la parabole n’a pas été si inutile que cela !

 

Mais laissons les mots parler … « Dites : “Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir” ». Quelle est la pointe de l’enseignement de Jésus ? Encore et toujours nous ajuster devant Dieu et son Royaume. Cette parabole nous rappelle que devant le Seigneur, nous n’avons aucun droit ; tout est don. Il ne s’agit pas de s’humilier devant Dieu mais de rester humbles, à notre place, et notre place d'homme et de femme est grande : être serviteurs du projet de Dieu, être au service du Royaume de Dieu et d'en bénéficier ! L’extrait d’aujourd’hui de la lettre à Tite donne des conseils très concrets pour entrer dans ce Royaume, dans ces relations que Dieu désire entre ses "enfants". Les formules peuvent sembler désuètes, mais leur contenu est toujours pertinent !

 

Nous sommes, devant Dieu, « des simples serviteurs », et lorsqu’une tâche est accomplie, il n’y a pas d’orgueil à faire valoir ; un autre, une autre aura pu faire de même. Mais chacun, chacune à sa place dans l’immense chantier du Royaume : tant de champs à labourer, de bêtes à garder, de plats à préparer, de repas à servir ! Le Seigneur compte sur nous. Surtout, nous pouvons compter sur la bonté du Maître qui, un jour, « la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir » (Luc 12, 37).

Laurent D.

 

 

Lundi 9 novembre
Corinthiens 3,9c11 - 16-17   Jean 2,13-22

L’épisode était mémorable : Jésus en colère, bousculant, expulsant, vitupérant ! Les quatre évangiles racontent cet acte de Jésus dans le temple de Jérusalem. Ils relatent aussi que cette réaction de Jésus sera reprise comme acte d’accusation lors de son procès.

« Ne faites pas de la Maison de mon Père une maison de trafic ». L’esplanade de Temple de Jérusalem était un lieu d’achat des animaux à sacrifier. Cependant, la réaction de Jésus est encore plus profonde et nous concerne peut-être, nous croyants ...

Sacrifier, en latin « sacrificare », faire sacré, c’est offrir à la divinité un présent en signe de reconnaissance de tous les dons qui sont offerts par Dieu : « J’offre le premier-né de mon troupeau, j’offre une partie de ma récolte pour remercier Dieu de tous les dons qu’il m’accorde ». Mais très vite l’esprit de reconnaissance peut se transformer en tentative de transaction : « Seigneur, je t’offre cet animal pour que tu me donnes ceci ou cela ». Tentation qui nous traverse tous … Notre prière est-elle essentiellement reconnaissance envers Dieu ... ou transaction envers Dieu ? Notre prière, lieu de ‘trafic’ ou moment d’action de grâce?

L’évangile se poursuit par un dialogue entre Jésus et les Juifs : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai ». Et l’évangile de conclure : « Le Temple dont il parlait, c’était son corps ». Cette parole : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai », Jésus ne l’a sans doute pas prononcée : elle est le fruit d’une relecture des premiers disciples, sous l’inspiration de l’Esprit Saint, après la résurrection. Ce qu’ils ont découvert de la vie de Jésus, c’est que la présence de Dieu ne résidait pas tant dans un temple de pierre, aussi beau soit-il, mais qu'en Jésus lui-même et en Jésus ressuscité !

Faisons le parallèle avec le beau texte du prophète Ezéchiel dans lequel le prophète imagine, avec l’image d’une eau jaillissante, un nouveau temple qui serait source de vie pour tout être : « Cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent », faisons le parallèle avec l’évangile de Jean qui décrit le jaillissement d’eau du côté de Jésus lorsque le soldat romain le percera sur la croix. Jésus est le temple, la présence ultime de Dieu, source de vie.

Saint Paul poursuivra la méditation. Non seulement Jésus est temple de Dieu mais par le baptême, chaque chrétien devient temple de Dieu, chaque chrétien possède et devient présence de Dieu : « L'Esprit de Dieu habite en vous ». Chaque chrétien devient lieu de rencontre avec Dieu. Ce que le temple de Jérusalem était pour les Juifs, vous, moi, chaque chrétien le devient pour le monde, au cœur du monde : « Vous êtes le temple de Dieu » s’écrit Paul, un temple d’où jaillit une eau vive et vivifiante ?!

Ce temps de confinement nous éloigne nos églises de pierre. Réentendons que  Dieu n’est pas d’abord présent dans des bâtiments de pierre ; il habite le corps et le cœur de chacun. Y sommes-nous suffisamment attentifs ? En nous ? En l’autre ? « Le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous » affirme Paul. Quel respect du corps, quel respect du cœur avons-nous, surtout du corps, du cœur des plus fragiles ? Grand défi pour notre monde contemporain en mal de sacré.

  
 P. Laurent Dubrulle

Dimanche 8 novembre
Trente-deuxième dimanche du temps ordinaire – année A

 Je me souviens : enfant, je n’arrivai pas bien à comprendre l’évangile que nous de lire. On me disait qu’il fallait partager … et voici que Jésus ne reproche pas l’égoïsme des premières jeunes filles. Et l’histoire se termine mal pour les autres : elles ne sont pas accueillies par l’époux qui les rejette. Dans mon bon sens enfantin, cela ne respirait pas beaucoup l’évangile …

« Le Royaume des Cieux est comparable … » Traduisons : le monde selon Dieu, le monde selon le cœur de Dieu est comparable … Comparable à quoi ? Au non-partage d’huile, à l’égoïsme, au non-accueil lorsque l’attente se fait longue et que la porte s’ouvre enfin ? Non ! Comme dans beaucoup de paraboles, il faut chercher plus loin. L’huile de lampe peut se partager, il est vrai, mais elle ne peut pas se multiplier. Peut-être nous faut-il comprendre, par cette image, que dans nos vies d’homme et de femme, il y a des choses que l’on ne peut pas partager, diviser, fractionner ; pour le dire autrement, il y a des choses qui ne peuvent pas se vivre par procuration, par délégation.

 Notre deuxième lecture nous en donne un bel exemple. Saint Paul, fort de sa foi en Christ, désire partager son espérance en la résurrection avec les chrétiens de Thessalonique mais il ne peut pas espérer à leur place. Il les enseigne à l’aide des images de la littérature de son temps : « voix de l’archange, nuée du ciel … » (comment dire le mystère absolu de l’autre vie ?). L’apôtre témoigne, encourage mais il ne peut pas espérer à la place de ses interlocuteurs. A chacun d’entre eux de trouver les ressources nécessaires pour entrer dans l’espérance …

Il en est ainsi des choses essentielles de la vie : aimer, pardonner, croire, espérer, vivre … On n’aime pas, on ne pardonne pas, on ne croit pas, on n’espère pas, on ne vit pas à la place de l’autre. Même prier. Bien souvent, on entend : « prie pour moi ». C’est une belle demande. Il faut l’exaucer ! Cette demande a aussi ses limites. La prière est d’autant plus ‘efficace’ qu’elle est assumée personnellement et collectivement. « Prie avec moi, prions ensemble » est sans doute la meilleure des attitudes spirituelles.

Revenons à l’image de l’huile qui fait briller la lampe. L’huile ne se multiplie pas par elle-même mais elle se stocke. Où pouvons-nous chercher, acheter, stocker l’huile nécessaire à notre vie ?

En ce temps de pandémie et de confinement, où chercher et recueillir l’huile qui fera briller l’espérance, l’huile qui éclairera et communiquera le goût de vivre ? Le psaume qui nous est donné nous offre une piste : « Dans la nuit, je me souviens de toi et je reste des heures à te prier. Tu es venu à mon secours : je crie de joie à l’ombre de tes ailes ». C’est dans la rencontre avec le Seigneur, au cœur même de la nuit, que se communique l’huile vitale de la foi capable de brûler toute une existence, d’éclairer toute obscurité dans l’existence … Personne ne pourra vivre la rencontre avec l’Epoux à notre place, le connaître intimement et se faire reconnaître par lui …

Personne ne fera à la place de l’autre cette expérience de foi. La démarche ne peut être que personnelle ... Mais nous pouvons nous aider à chercher ensemble … Les dix jeunes filles faisaient groupe au commencement de la parabole. Fraternellement, nous pouvons nous communiquer l’étincelle qui rallumera la lumière … à condition que l’huile du désir de la rencontre soit bien présente dans la réserve de la lampe.

Chercher ensemble l’huile de nos vies, nous communiquer l’étincelle qui allumera le feu, voilà de belles images qui illustrent la mission d’une communauté chrétienne, la mission de l’Eglise. Puissions-nous vivre, en ce temps particulier, un peu de cette recherche commune, un peu de cet accueil de l’espérance qui fait vivre et ouvre un avenir d’éternité * … L’époux se saurait tarder. Il vient, la table du banquet est mise. Il est là, tout proche …

‘Écoute, écoute, surtout ne fais pas de bruit,
On marche sur la route, on marche dans la nuit.

Écoute, écoute, les pas du Seigneur vers toi,

Il marche sur ta route, il marche près de toi’.

 * Un appel téléphonique, un message électronique, une carte de vœu, un service, une brève visite si elle est nécessaire …
                                                                                                                    P. Laurent Dubrulle


 

samedi 7 novembre :

Philippiens 4,10-19  Luc 16,9-15

 

Après sa parabole, Jésus poursuit son interpellation sur l’argent. Son discours est clair : l’argent est utile comme moyen d’échange, moyen de relation. Il peut même permettre l’amitié ! « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête » ! Il est révélateur de la confiance qu’on mérite ou … pas ! Mais Jésus est clair : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent » !

L’extrait de la lettre de Paul aux Philippiens illustre bien le détachement devant les biens matériels ! « J’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance ». L’important est de se demander régulièrement : où mettons-nous notre cœur ?

Tout en entendant le proverbe « l’argent ne fait pas le bonheur … mais il y contribue », laissons-nous interroger par la parole de l’Apôtre : « Mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus ». Quels sont donc les « biens » que le Seigneur m’accorde ? Prenons le temps de les nommer … et de rendre grâce …

P.Laurent Dubrulle

 

 

06 novembre  

« Beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la Croix du Christ ».
Philippiens (3,17-4,1) Luc (16,1-8)

Quel est le sens profond du groupe nominal « la croix du Christ » ? Il semblerait réducteur de n’y projeter que la souffrance et la mort. La vie de Jésus révèle en réalité bien plus que cela. Bien au-delà de la symbolique du mal, « la croix » que Jésus porte avec détermination jusqu’au bout, c’est d’abord la condition humaine. Le mystère de l’Incarnation avalise parfaitement une telle lecture. L’invitation de Jésus à chacun de « porter sa croix » prend ainsi le sens d’assumer notre condition humaine avec ses conformités autant qu’avec ses difformités. Ainsi, se conduire « en ennemis de la croix du Christ » prend le sens de « refuser l’enseignement qui se dégage de la vie de Jésus ».

La culture contemporaine a besoin de se réconcilier avec le caractère naturel, voire ordinaire, du mal, de la souffrance, et de la mort, comme nous l’avons relevé dans la prédication de la Commémoration des défunts. Porter « la croix » à la suite de Jésus, c’est vivre son humanité sans se laisser ravir le don précieux de la capacité à toujours réussir à demeurer « heureux ». Tel est aussi le sens des béatitudes : une invitation à toujours trouver la voie du bonheur, par-delà les monts et vaux de notre condition d’humains, si fragiles, si friables.

Nous pouvons ainsi mieux comprendre l’affirmation de Paul selon laquelle toute personne qui oublie cette réalité essentielle de l’existence humaine, déniant en diverses manières sa condition d’humain, « se trompe », et « court à sa perte » (Ph 3,17 – 4,1). Aussi appelle-t-il donc tous les fidèles à revaloriser le lien qui unit l’homme à Dieu. L’anthropologie contemporaine, plus éclairée, appelle à dépasser les clivages dualistes tels corps/âme, ou terre/cieux. Elle permet de voir ces réalités unifiées par la grâce de « la puissance active » par laquelle Dieu prend chair de notre chair, la même par laquelle il tient Jésus vivant par-delà la mort. Nous pensons qu’il s’agit de l’Esprit Saint, qui donne vigueur et vie à toutes choses. L’argumentaire de Paul culmine dans son exhortation à « tenir bon dans le Seigneur », en écho à l’appel de Jésus à rester éveillés, en tenue de service, la ceinture autour des reins, et les lampes allumées... (Cf. Lc 12, 35-40 : évangile retenu en paroisse pour le 02 nov., CFD)

Dans l’évangile, Jésus ne fait pas l’éloge de la malhonnêteté, du vol, ou de l’injustice. S’il relève que le maître de la parabole a fait l’éloge de son gérant pourtant accusé de malversations, c’est davantage pour relever l’habileté dont aurait finalement fait montre ce dernier tout en rendant à son employeur son juste dû. Jésus appelle ainsi ses disciples à savoir organiser des réseaux de solidarité et de soutien bien plus forts avec l’amour qu’il révèle, et qui cherche le bonheur de tous sans égoïsme ou égocentrisme. Puissions-nous vraiment travailler résolument à « tenir fermes dans le Seigneur » au cœur de notre vie de tous les jours. Il n’est guère question de magie, mais de travail qui actualise l’efficacité de la grâce.

P. Edgar AHANDA

 

 

jeudi 5 novembre

Philippiens (3, 3-8a)  -  Luc (15, 1-10)

 

    Bien sûr lorsqu’il évoque le berger à la recherche de sa brebis perdue et la joie dans le ciel lors de toute conversion, Jésus redit à ses détracteurs sa mission reçue du Père : « Je n’attends pas que l’on vienne à moi … Je suis venu pour aller chercher ceux et celles qui se sont éloignés du Père et les conduire à Lui » mais nous pouvons aussi accueillir cet évangile en nous arrêtant sur cette belle image du berger portant, sur les épaules, sa brebis égarée …

    Certes, nous sommes pécheurs et sommes reconnaissants d’une telle attitude de sollicitude de Jésus envers nous, mais en ces jours particuliers, nous sommes désorientés au cœur d’un temps troublé par la pandémie et d’autres événements dramatiques. Le confinement nous impose à nouveau à prendre des distances physiques avec nos relations … Nous voilà, comme la brebis de l’évangile, « dans le désert », « perdus » comme elle, un peu angoissés par l’incertitude du temps qui vient …

    « Quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules … » Prenons quelques minutes dans notre journée pour retrouver, ou plus exactement nous laisser retrouver par le Berger … Laissons parler  l’image de la parabole : le Seigneur vient à nous … se penche vers nous … Il nous porte sur ses épaules ... Quelle intimité nous est offerte ! Goûtons ce temps où se révèle à nouveau un Dieu qui connaît nos fragilités et nous porte lorsque les forces nous manquent. Un Dieu qui n’est pas perdu dans son Ciel, mais un Dieu venu partagé nos expériences humaines …

Laurent Dubrulle

 4 novembre
Psaume du jour ( PS 26 )

 Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie,
pour admirer le Seigneur dans sa beauté
et m’attacher à son temple
.
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage :
espère le Seigneur. »  

 

2 novembre 2020
Commémoration des fidèles défunts

    « Restez en tenue de service,
     votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées » (Lc 12, 35

Tout naturellement, l’évocation de la mort et la perspective de son effectivité nous angoissent. En réalité, c’est le néant qui justifie cette répulsion naturelle. C’est de ce point de vue que la perspective de ne plus exister, vivre, ou communiquer, nous horrifie. Elle est pourtant une expression de notre vocation originelle à l’éternité. Dans la logique de notre foi, Dieu est la cause ultime de notre existence. C’est lui qui nous a miraculeusement tirés du néant par la seule force de son amour. La fidélité de son œuvre nous fait ainsi croire que ce miracle de l’existence se poursuit sous diverses modalités, même au-delà de celles de notre vie courante.

Le livre de la Sagesse, par exemple, rappelle que « Dieu a fait l’homme pour une existence impérissable » (Sg 2, 23). En relevant que « Nous appartenons au Seigneur » (Rm 14, 8), Paul, lui, est persuadé que nous sommes pour toujours liés à Dieu. Dans notre confession de foi chrétienne, nous affirmons effectivement que, présidant l’œuvre divine depuis la création, il n’est pas possible que l’amour de Dieu soit mis en échec. Éternel, cet amour mène le projet divin originel jusqu’à sa pleine réalisation. C’est pourquoi nous croyons ferme que la mort ne fait pas échec au projet de Dieu. Elle ne saurait avoir raison de la force de l’amour divin. Elle n’est aucunement un obstacle au plan de Dieu. Cela, les générations anciennes le relevaient déjà, tel que le prouve la belle intuition suivante, extraite du livre des Lamentations : « Grâce à l’amour du Seigneur, nous ne sommes pas anéantis » (Lm 3, 22). 

Ces considérations nous disposent à mieux comprendre des intuitions telles celles de François d’Assise, qui ne considère plus la mort comme une adversaire, mais comme une « sœur ». Il nous invite à la tenir en tant que réalité faisant partie intégrante de notre existence. Lui emboîtant le pas, le pape François nous invite à cesser de dénier notre mort, mais à nous « réconcilier avec » elle, en tant que réalité ordinaire de notre existence. L’un et l’autre nous appellent à dépasser une vision de la mort comme point d’arrêt qui nous replongerait dans le néant. Ils nous appellent plutôt à vivre dans l’assurance que nous découvre l’expérience de la mort de Jésus : l’horizon de l’implacable continuité de l’existence humaine. 

En partageant notre mort et en se remontrant vivant auprès de ses contemporains, Jésus révèle que la mort est inscrite dans notre essence : nous ne pouvons pas ne pas mourir. L’espérance qu’il apporte est en revanche que rien ne peut interrompre le lien que l’amour de Dieu a établi avec nous par la création. C’est ce que relèvent les enseignements de Paul dans notre deuxième lecture (1C0 15, 1-17). Cela est plus clairement traduit dans la Lettre aux Romains : « Rien ne peut nous séparer de l’amour du Seigneur » (Rm 8, 39). Le souvenir du projet originel d’une existence impérissable déployée par Dieu pour nous est ainsi une fenêtre, ou plutôt une porte ouverte au-dedans même du mystère de la mort : elle découvre l’horizon d’une vie qui continue, certes autrement, grâce au lien qui nous unit à Dieu. 

En faisant mémoire de nos frères et sœurs défunts aujourd’hui, nous ne faisons que prolonger notre action de grâce vis-à-vis de Dieu pour l’œuvre qu’il accomplit. Hier, nous célébrions, dans l’allégresse, la « foule immense » des peuples de tous horizons qui, par-delà bien des épreuves, se réunissent dans l’amour de Dieu. Avec nous, les défunts sont ordonnés à cette foule des élus de l’amour divin. Ils ont passé l’épreuve ultime, le rideau de la mort. Nous proclamons aujourd’hui la victoire de l’amour divin qui les tient vivants de l’autre côté du rideau. Jésus nous redit que la trajectoire de notre existence est nécessairement la même. Voilà pourquoi il nous invite, dans l’évangile que nous avons choisi (Lc 12, 35-40), à demeurer « en tenue de service », la ceinture de la justice bien ferme au cœur de notre vie quotidienne, et la lampe de l’amour toujours allumée. Peu importe les épreuves, pas même la mort, cette commémoration de nos défunts nous appelle à marcher sur les chemins de la vie, en gardant l’assurance que Dieu nous aime, et que son amour est fort, qui donne vie. C’est ce que traduisait notre première lecture (Ap, 14, 13), en soulignant le bonheur des défunts, du fait qu’ils ont part à la plénitude de la vie et de l’amour en Dieu. Le seigneur nous appelle tous au bonheur éternel. Travaillons chaque jour à déjà y prendre part et à le faire advenir pour tous.    

P. Edgar AHANDA

  1er novembre 2020  Fête de la Toussaint

Hier matin, je lisais dans la presse une suite de tweets. Quelques heures après l’attentat de Nice, un évêque écrivait sur son compte Tweeter : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux ». On lui répondait, toujours par Tweeter : « Nous ne sommes pas dans un monde de bisounours. Naïf ». La signature est évidemment un pseudo.

Naïfs : le sommes-nous lorsque nous écoutons les béatitudes prononcées par Jésus, lorsque nous tentons de les vivre ? Ou pire alors, le bonheur promis par Jésus ne deviendrait-il réalité qu’après notre passage sur la terre ? « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage » ... sous-entendu après leur mort … L’interlocuteur de l’évêque n’avait peut-être pas la connaissance de la langue hébraïque. Certes, dans l’évangile écrit en grec, ‘μακαριος’ signifie : ‘béni, bienheureux’ mais en hébreu, langue culturelle de Jésus, c’est certainement le mot ‘ashar’ qui fut prononcé, un mot hébreu dont la racine signifie : être droit, debout, se redresser, marcher, se diriger … Un terme dynamique.

Voilà l’appel de Jésus lorsqu’il prononce les béatitudes. Il est au commencement de sa mission publique, et il s’adresse à la foule qui le suit. Cette foule n’est pas composée des puissants de son temps, des plus riches, des plus grands, des plus nobles. Ils sont à Jérusalem ou à Tibériade. Devant lui, c’est le petit peuple de la Galilée, paysans, pécheurs, petits artisans, travailleurs saisonniers. Il les appelle, malgré leurs conditions de vie difficile, à être droits, debout, à se redresser et à marcher… A marcher de l’avant pour créer un monde nouveau, aux nouveaux comportements, un monde où la richesse sera dans la relation, non dans la possession, dans la douceur et non dans le rapport de force, dans la vérité des sentiments et non dans l’hypocrisie, dans la miséricorde et non dans la vengeance …

Les béatitudes ne sont pas un constat béat mais un appel, un encouragement à créer un monde nouveau  … dès à présent, pour le présent, présent proche, non pour un avenir lointain …  Il est bon, je crois, d’entendre un tel message en ces jours … pesants pour tous. La maladie rode. Le confinement limitera nos contacts sociaux pendant plusieurs semaines, y compris en Eglise ; il assombrit et fragilise l’avenir professionnel de beaucoup, notamment des jeunes. Ajouter les attentats qui divulguent un sentiment d’insécurité. Ce n’est pas de la naïveté que de s’inspirer des béatitudes pour vivre aujourd’hui. Je le redis : les béatitudes sont un appel à vivre des rapports humains nouveaux ou renouvelés, avec le parti-pris de la non-possession, de la douceur, de la paix, du pardon comme autant de promesses de joie dans de telles relations, déjà aujourd’hui … En ce temps de pandémie, pensons à tous les petits gestes qui auront leur valeur humaine : un appel téléphonique, un message électronique, une carte de vœu, un service, une brève visite si elle est possible …

Je n’ai pas encore parlé de « sainteté » en cette fête de Toussaint. Les saints et les saintes, qui sont-ils, qui sont-elles ? Les saints et saintes reconnus par l’Eglise sont des hommes et des femmes qui, loin de la naïveté, au cœur de leur contexte historique, ont fait un choix de vie inventif, guidés par les paroles des Béatitudes.
Des exemples : saint François d’Assise et le choix de la pauvreté, de la non-possession des êtres et des choses dans une société où se développaient le commerce et la richesse pour la bourgeoisie ; saint Ignace de Loyola et le choix de l’intelligence dans un monde humaniste qui interrogeait la tradition intellectuelle du Moyen Age ; sainte Thérèse de Lisieux et le choix de l’abandon à Dieu dans une Eglise encore obnubilée par les mérites.
Leurs vies sont un exemple de vie d’hommes et de femmes, redressés, debout, inventifs, en marche malgré l’adversité rencontrée. Dans la communion des Saints, ils nous portent dans la prière. Le temps de confinement est peut-être l’occasion de nous plonger ou replonger dans la vie de l’un ou de l’autre …

Un dernier mot. Les béatitudes évoquent un bonheur qui envisage même la possibilité de la persécution. Il n’y a pas à rechercher l’épreuve. Il n’y a pas à la redouter non plus. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux  N’oublions que la vie éternelle est déjà commencée ; nous y participons déjà si nous vivons des béatitudes …

Laurent Dubrulle

18 octobre 2020 - Vingt-neuvième dimanche – année A

 « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Cette célèbre sentence de l’évangile peut nous éclairer au cœur de notre actualité dramatique et cet assassinat d’un professeur par un fou furieux, tuant au nom de Dieu ! Comme si nous devions défendre Dieu par la violence !!!

« Rendez à César ce qui est à César » : Jésus répond à ses interlocuteurs qui lui avaient posé la question : « Est-il permis de payer l’impôt à l’empereur ? »

 Jésus sent le piège : soit il répond par la négative (« ne pas payer ») et il serait facile de le dénoncer à l’autorité romaine comme insoumis (c’est ce que finalement les prêtres feront lors de sa comparution devant Pilate) ; soit Jésus répond par l’affirmative (« on peut payer »), et il paraît consentir à l’occupation étrangère romaine et se rend solidaire d’un pouvoir qui se prétendait sacré.

 En demandant une pièce de monnaie et en faisant remarquer la présence de l’effigie et de la légende de l’empereur sur la monnaie, Jésus renvoie la monnaie au monde financier qui inclut… l’impôt. C’est un monde qui ne l’intéresse pas …  directement. Car Jésus ne s’arrête pas là.

 S’il faut « rendre à César ce qui appartient à César » et donc consentir à la logique des « affaires de César », Jésus contrebalance, il ajoute qu’il faut « rendre à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais qu’est-ce que rendre à Dieu ce qui est à Dieu ? Que faut-il rendre à Dieu ?

 Si César réclame l’argent qui porte son image, ne pouvons-nous pas prolonger le propos en pensant que Dieu réclame l’être humain tout entier qui est, selon les premières pages de la bible, l’image même de Dieu ? « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 2, 27).

 Ce récit mythique qui ouvre la bible révèle que chaque être humain porte en lui une empreinte de Dieu qui le fait appartenir au monde divin et qui échappe à la seule emprise humaine.

 Par sa réponse équilibrée, Jésus respecte le monde de César et ses contraintes politiques, financières. La première lecture, ne fait-elle pas l’éloge du roi perse Cyrus, un étranger, « consacré », envoyé par Dieu comme libérateur du peuple de Jérusalem exilé à Babylone ? Jésus respecte le monde politique, l’organisation sociale des hommes, mais rappelle, dans le même temps, que l’être humain entre dans un projet de Dieu qui dépasse et limite la mainmise, la maîtrise de certaines ambitions humaines.

 C’est le sens des interventions de l’Eglise, à travers le pape ou les évêques français, à travers nos propres prises de parole comme baptisés/confirmés. Que penser, par exemple, de l’allongement de 12 à 14 semaines de l’avortement ? Laisser voter nos parlementaires sans discuter ? Sans violence, il s’agit d’interpeller sur les conséquences psychologiques, sociales, sanitaires, philosophiques d’une telle autorisation. Interpellons-nous suffisamment nos représentants ?

 La semaine dernière, le pape François a publié une encyclique dite sociale : ‘Fratelli tutti’ – ‘Tous frères’. Face aux défis qui menacent l’humanité, pour François, il n’est pas envisageable de surmonter les crises sans un élan de fraternité qui permette de traiter en profondeur les drames qui nous menacent, ceux de l’exclusion, du changement climatique, des crises sanitaires, des migrations, de l’intégrisme, des gouvernances égoïstes des États. Au nom de l’Evangile, inspiré par la parole et les actes de Jésus, le pape François interpelle les consciences mondiales. Il fait de la politique.

 Au cœur d’une société pluraliste et laïque telle que la société française, l’Eglise, les chrétiens que nous sommes, n’ont pas à imposer leurs points de vue, leurs options. Si la mission des baptisés est de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu », nous respectons l’autonomie légitime de « César », ses domaines particuliers à l’image de Jésus acceptant le payement de l’impôt. La mission des chrétiens est cependant d’interpeller, d’éclairer, riches de la foi et sa tradition en intervenant dans les débats de société, par mais aussi en s’engageant concrètement, en participant dans la vie syndicale, politique, associative. En retour, dans une laïcité ouverte, la société française doit accepter d’être interpellée par les convictions chrétiennes dans une volonté et une recherche du mieux-vivre ensemble.

 « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Comprenons la parole de Jésus non comme une lutte ou une indifférence entre des pouvoirs mais comme une reconnaissance mutuelle et un dialogue pour le bien-être des hommes et des femmes de notre temps. Le débat est ouvert, loin de la violence prônée par certains.

11 octobre 2020, 28ème dimanche du temps ordinaire A
« Tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce »  (Mt 22, 9)
 

La thématique de l’élection et du salut de Dieu pour tous les humains revient au cœur des textes liturgiques de ce dimanche. Elle fait écho à la prophétie d’Isaïe et à la parabole des vignerons étourdis par la tentation de l’avoir et du pouvoir. Cette thématique nous aura tenus en haleine durant toute la semaine, à travers la tension Loi / foi comme facteur de salut dans la Lettre aux Galates. Nous la retrouvons aujourd’hui dans celle de la noce ou du festin

La première lecture (Is 25, 6-9) livre en effet une autre prophétie d’Isaïe concernant l’organisation d’« un festin » par le Seigneur. De son message se dégage l’idée du soin particulier que le Seigneur manifeste pour toutes ses œuvres, dont l’humanité. La prière du psalmiste (Ps 22) en fait d’ailleurs écho, sous la tonalité d’une attention universelle de Dieu pour chacun de ses enfants : « Tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure ».

L’évangile (Mt 22, 1-14) livre la parabole de Jésus sur la noce et les invités inopinés. Cette parabole indexe la rupture de confiance et le rejet vis-à-vis de personnes précédemment chéries et élues. La déception du Maître d’œuvre débouche ainsi sur l’élargissement de sa confiance. C’est ainsi que de nouvelles personnes sont élues au partage des largesses de celui-ci.

Ces métaphores visent vraisemblablement les pharisiens et les différentes obédiences spirituelles tournées vers Dieu au temps d’Isaïe, puis dans le temple au temps de Jésus. Elles visent donc Israël, « la vigne du Seigneur », qui avait déçu par ses fruits d’iniquité et d’injustice. Elles dévoilent ainsi l’étendue du banquet du Seigneur, en écho à la prophétie d’Isaïe, sous les signes d’un « festin » que celui-ci prépare « pour tous les peuples ». Cette parabole est close par une malheureuse note de grande sévérité à l’encontre d’un convive sans vêtement d’apparat. Plutôt que de focaliser l’attention sur l’attitude du roi-hôte, il semble intéressant de mettre un point d’orgue sur l’exceptionnalité de ce pauvre homme

Si tous les invités appelés à l’improviste comme lui ont pu venir en tenue, nous sommes portés à croire qu’ils partageaient un minimum commun de culture de la noce. Cela fait penser à une sorte de « bon sens », qui les aurait mobilisés pour s’honorer mutuellement par de telles dispositions. Il y a donc dans la tournure malheureuse de la fête pour le brave homme en question, une sanction relevant de la justice collective. En d’autres termes, ce n’est sans doute pas la pauvreté qui lui est blâmée, mais vraisemblablement son excentrisme par rapport au « bon sens » collectif

Si cette lecture peut avoir quelque pertinence, elle nous porterait alors à admettre que par la grâce de Dieu, l’intelligence et la volonté humaines sont ordonnées à rendre l’homme proactif en toutes circonstances pour communier avec ses semblables au bonheur que Dieu dispose. Il s’agit donc également d’une exigence de la justice à laquelle nous sommes tous appelés. Paul partage son expérience spirituelle dans ce sens dans la deuxième lecture (Ph 4, 12-14.19-20). 

Il dit avoir découvert en Dieu une source d’énergie qui rendrait tout homme capable de dépasser ses potentialités ordinaires. Pour lui, aussi fragile qu’il puisse être, cette énergie rend l’homme capable de « tout supporter », de vivre aussi bien « de peu » que « dans l’abondance ». Aussi témoigne-t-il donc que rassasié ou affamé, dans la satisfaction ou dans le besoin, le croyant doit se rappeler de l’assurance dont témoigne la prière du Psaume 22 quant à la présence fidèle, permanente, et inconditionnelle de Dieu

C’est à une telle disposition de foi que Paul semble donc appeler les Philippiens. Il s’en dégage l’assurance que notre biosphère est un don de Dieu. Tout humain y est donc partout chez lui. Voilà pourquoi nous pouvons y voir la question d’une authentique justice écologique : nous devons tous prendre soin de l’équilibre et de la santé de l’univers, en tant que « maison commune » avec un crédit intergénérationnel. Cela révèle l’impératif de l’accueil mutuel, et d’un engagement collectif pour plus de solidarité au service de la communion de tous au bonheur, à un minimum de bien-être.    

P. Edgar Fabien AHANDA NDZANA